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dernière assemblée générale. « L’objet de cette réunion, y est-il dit, est de favoriser la religion identifiée au bien physique, moral et spirituel. Indépendans de tout dogme, nous faisons fraternellement appel au concours de tous ceux qui désirent rendre le monde meilleur et qui estiment la vérité plus qu’aucun dogme ou aucune secte. » — Les universalistes, qui doivent leur origine à une protestation contre l’éternité des peines et qui passent pour avoir un millier de congrégations, possèdent également un parti avancé qui fraternise avec le mouvement de la a religion libre. » — On peut en dire autant des communautés spirites qui abondent dans l’Ouest et qui, d’après M. O.-B. Frothingham, compteraient bien un million d’adeptes. Toutefois, il ne peut s’agir du spiritisme tel que nous le connaissons en Europe, s’il faut en juger par cette définition d’un de ses plus chauds défenseurs, M. Giles B. Stebbins : « Tout spirite est de nécessité un adepte de la a religion libre, » parce que la philosophie spirite, dans sa largeur et son éclectisme, ne connaît ni limites, ni barrières, n’admet d’autre autorité que les intuitions de l’esprit humain, les vérités de l’expérience et les résultats de l’observation scientifique. »

Enfin une fraction importante du judaïsme, — tout en refusant de renoncer à sa dénomination historique, pour ne pas avoir l’air de répudier le nom de ses ancêtres, devant un préjugé social qui persiste jusque dans le Nouveau-Monde, — a saisi cette occasion de se rencontrer, sur le terrain pratique de la fraternité religieuse, avec les forces intellectuelles et morales d’une civilisation qu’elle s’est désormais complètement assimilée. Il s’agit des juifs « réformés, » chaque jour plus nombreux aux États-Unis, qui n’ont pas suivi M. Adler dans la religion de l’éthique, mais qui n’en ont pas moins rompu avec le dogmatisme de la synagogue. Cette réforme, qui débuta, au commencement de ce siècle, par la substitution de la langue vulgaire à l’hébreu dans les cérémonies du culte, en est successivement arrivée à l’abolition de toutes les prescriptions hygiéniques, ritualistes et sociales qui caractérisaient l’ancien judaïsme, ainsi qu’à l’abandon des dogmes condamnés par l’esprit moderne, tels que la croyance à l’accomplissement des prophéties. De nombreux rabbins contestent désormais l’infaillibilité de la Bible, et il y en a qui vont jusqu’à nier la personnalité divine, cette pierre angulaire des croyances sémitiques. Aussi le rabbin S.-W. Sonnesheim n’a-t-il pas hésité à proclamer, dans la septième session de la Free religious Association, que le judaïsme réformé correspondait pleinement au mouvement actuel de la « religion libre. »

Sans doute, les esprits positifs, qui n’ont ni le loisir, ni le goût d’approfondir la question religieuse, les conservateurs, qui, par défiance de l’inconnu, s’imposent de demeurer fidèles aux croyances