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La conversion et un emprunt, voila donc les perspectives que l’on déroulait complaisamment devant les yeux d’un public trop bien disposé déjà à prendre peur et rendu si aisément accessible au découragement par une longue série de déceptions. La baisse devait être et a été le résultat de cette campagne conversionniste, et, comme au fond on craignait encore plus l’emprunt, dont la nécessité dans un délai plus ou moins éloigné s’impose, que la conversion, dont l’opportunité pouvait être contestée, les deux rentes 3 pour 100 ont perdu autant de terrain que le 5 pour 100.

En quelques jours, le 3 pour 100, sur lequel venait d’être détaché un coupon semestriel, a reculé de 81.15 à 80.22, l’amortissable de 82.35 à 81.50, le 5 pour 100 de 115.42 à 114.40. Les trois fonds étaient en réaction de près d’une unité sur les cours du 16 mars, du jour ou l’on pouvait encore appréhender pour le surlendemain un conflit armé dans la rue entre la force légale et l’émeute.

Les acheteurs réclamaient à grands cris un démenti officiel des bruits de conversion. M. Tirard n’a pas cru de voir donner satisfaction à ce vœu ; il a seulement fait savoir par diverses communications officieuses que le gouvernement ne s’était pas jusqu’ici occupé des projets de conversion. Ces démentis indirects n’ont pas eu assez de force pour déterminer un revirement dans les allures du marché ; au moins ont-ils eu pour résultat d’enrayer la réaction. Le 3 pour 100 s’est relevé de 80.22 à 80.40, l’amortissable de 81.50 à 81.90, le 5 pour 100 de 114.40 à 114.67. Il est vrai que cette meilleure tenue des fonds publics doit être attribuée en grande partie à l’impression produite par un discours que M. Léon Say a prononcé cette semaine à Lyon, et dans lequel, passant en revue toutes les questions financières et économiques à l’ordre du jour, il a tracé le programme de ce qu’il appelle la politique des affaires.

M. Léon Say n’a pas repris ouvertement pour thème de son discours cette devise dans laquelle se résumait l’année dernière sa politique économique : « Ni rachat, ni conversion, ni emprunt. » Et cependant, il est bien à cette triple conclusion qu’il a cette fois encore abouti. Du rachat, il n’est plus question, mais il faut que de nouveaux rapports soient établis entre les compagnies et l’état, et que celui-ci se décharge du fardeau, insupportable pour lui, de la construction des nouveaux chemins de fer. Conclure des conventions avec les grandes compagnies, telle est la première tâche économique et financière qui s’impose au gouvernement. L’accord établi, il se produira une reprise générale des affaires, et cet équilibre budgétaire, compromis aujourd’hui, et que l’on s’efforce d’obtenir à l’aide d’expédiens douteux et précaires, sera aisément et immédiatement atteint. C’est, alors et alors seulement, selon M. Léon Say, que l’on devra faire la conversion, avec la résolution très nette d’en appliquer exclusivement le bénéfice à des dégrévemens promis depuis longtemps à l’agriculture.