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il fut tué quelques instans après ; sa troupe fit ferme et repoussa les premiers cavaliers français. On se souvient que ces Italiens, placés à la droite de « la bataille » du roi catholique, venaient de s’avancer pour soutenir la cavalerie d’Alsace ; Fontaine allait probablement faire suivre ce premier échelon par le reste de son infanterie ; déjà le tercio de Velandia s’était détaché de la phalange et marquait le mouvement lorsque les soldats du duc d’Anguien arrivèrent par derrière, pêle-mêle, avec l’escorte de Melo. Ainsi l’infanterie du roi catholique commençait à marcher par échelons, l’aile droite en avant, s’avançant méthodiquement, à rangs serrés, comme il convenait à son tempérament et à celui de son chef, lorsque l’audace inspirée du duc d’Anguien lui enleva sa seconde et sa troisième ligne. La première était intacte ; précédée de son artillerie et de ses mousquetaires, elle présentait ce front imposant devant lequel reculait l’infanterie française, seule, en plaine, sans cavalerie, sans artillerie, sans direction.

Sirot avait ralenti un moment ce mouvement en arrière ; officiers et soldats s’arrêtaient pour l’entendre discuter vivement avec La Vallière et contester cet ordre de retraite que le général en chef n’avait pas donné. Quelques-uns des bataillons maltraités de la gauche s’étaient ralliés auprès de la réserve ; mais un retour offensif de la cavalerie d’Alsace, qui voulait rester maîtresse de cette partie de la plaine, remet le désordre dans notre infanterie. Sirot la dégage en chargeant avec les gens d’armes et son régiment. La cavalerie ennemie fait mine de revenir ; mais cette fois elle y va mollement ; elle sait vaguement ce qui se passe ailleurs et ne songe qu’au ralliement.

Le commandant de notre réserve a rempli son devoir avec autant d’intelligence que d’énergie : maintenir sa troupe jusqu’au bout à la disposition du général en chef sans se laisser émouvoir par les incidens ou par des ordres dépourvus d’autorité. Sa tâche n’est pas achevée. Sauf quelques bataillons débandés, notre infanterie, formée en groupes bien distincts, a conservé l’ordre ; les unités se sont rapprochées sans se confondre ; les vieux régimens français ou étrangers ne sont pas rompus ; mais tous ont été canonnés, beaucoup ont reçu des horions, quelques-uns ont été bousculés ; ils sont hésitans et prennent au mot les injonctions de La Vallière, qui croit toujours à la nécessité de la retraite. Sirot s’interpose de nouveau. « Face en tête ! crie-t-il ; personne ne vous poursuit ; la journée n’est pas terminée. Nous ne pouvons abandonner notre général. A l’ennemi ! je vous conduirai ! » Déjà les officiers ramènent leurs hommes en levant les chapeaux : « A M. de Sirot ! à M. de Sirot ! » Et voilà. que celui-ci leur montre au milieu d’un groupe de