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idiot. Le quatrième, après des essais de suicide, tombe dans l’idiotie. Le cinquième est irritable, misanthrope et se brouille avec toute sa famille. Sa sœur est en proie à l’hystérie la plus prononcée et à une folie intermittente. Le septième seul lutte contre son tempérament à force d’intelligence et de volonté. — Dans une autre famille, voici les phases diverses parcourues : à la première génération, ivrognerie ; à la deuxième, ivrognerie avec aggravation ; à la troisième, hypocondrie ; à la quatrième, stupidité, extinction probable de la race. Sous des formes diverses, c’est l’hérédité qui fait son œuvre. — Elle la fait aussi, cette œuvre funeste, dans des passions d’un ordre plus complexe et qui, en apparence, sont plus indépendantes de l’organisme, la passion de l’argent, l’avarice, le jeu, le vol, l’homicide. Le docteur Maudsley prétend, avec preuves à l’appui, que, quand un homme a beaucoup travaille pour arriver à la richesse, il reste dans ses descendans une fourberie et une duplicité instinctives, un extrême égoïsme, une diminution sensible ou même une absence d’idées morales, l’excessive passion pour l’argent absorbant toutes les forces de la vie et prédisposant à une décadence morale, ou intellectuelle et morale tout à la fois. Enfin l’hérédité de la tendance au vol et à l’assassinat est démontrée par les annales criminelles de tous les pays où les cas de transmission dans les familles sont, nous dit-on, très nombreux et tout à fait concluans.

Nombreux, j’y consens ; concluans, pas toujours autant qu’on pourrait le croire. Dans tous les phénomènes d’ordres variés que nous venons d’énumérer d’après M. Ribot, mais en les classant autrement que lui, il faut bien distinguer ceux qui dépendent d’un élément morbide introduit dans l’organisme et ceux qui n’en dépendent pas aussi sensiblement et qui relèvent peut-être de quelque autre cause. Ce terme morbide, plus spécialement employé dans certains cas, prouve d’ailleurs qu’il ne s’agit plus d’hérédité psychologique proprement dite. Partout où il s’applique, c’est de quelque lésion organique qu’il s’agit, de quelque altération des tissus nerveux, transmise avec la vie physique. Dès lors la question change de nature et d’aspect. Voyons, par exemple, ce qui se passe pour l’aliénation : bien qu’elle soit mentale dans ses effets, il est très probable qu’elle est physique dans quelques-unes de ses causes, sinon dans toutes, et ce qui est une probabilité pour la folie individuelle devient une certitude pour la folie héréditaire. Il en résulte que le problème, au moins dans ce dernier cas, est d’ordre physiologique. De même pour la maladie de l’alcoolisme qui, une fois contractée, se transmet avec les conditions d’un système nerveux profondément troublé. On cite aussi quelques traits de la manie du vol et de l’assassinat, dont le signalement semble révéler une sorte de fatalisme héréditaire et