Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 56.djvu/783

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’un habile capitaine peuvent conduire une armée mieux que d’autres, ou que le fils d’un mathématicien célèbre sera lui-même un grand mathématicien. A supposer, dans ces deux cas, une ressemblance du fils au père, plutôt qu’à la mère ou à d’autres ascendans, il y aurait seulement une probabilité, au moment de la naissance, pour le fils du grand capitaine, d’être un homme disposé à commander, et pour le fils du mathématicien d’être un homme disposé à calculer, ce qui peut faire du premier un bon piqueur ou un majordome distingué et du second un teneur de livres très exact. Pour s’élever au-dessus de la moyenne, bien d’autres choses sont nécessaires, qui dépendent d’autres facultés, héritées ou non, de l’éducation, des circonstances et surtout du caractère individuel. »

Parmi les circonstances favorables à l’impulsion de l’esprit, et particulièrement de l’esprit scientifique, qu’il est possible d’observer de plus près, se place la curiosité. M. de Candolle a raison d’y voir le principe de toutes les découvertes, pourvu qu’on entende par ce mot la curiosité des choses réelles et vraies, non celle des fictions. C’est le rôle du père de famille, le premier éducateur, d’exciter cette curiosité quand elle est inactive et molle, de la réprimer et de la diriger quand elle est trop énergique et turbulente. Mais il ne faut pas se plaindre de cet excès, tout en le surveillant. C’est l’éveil même de l’esprit scientifique. Et qui ne sent que le chef de famille, plus encore que l’instituteur, tient là dans sa main le grand ressort moteur de l’activité intellectuelle et une partie de l’avenir de l’enfant futur ? L’école physiologique dédaigne bien injustement ces moyens, qui ne semblent médiocres qu’à l’esprit de système. L’expérience, qui nous découvre la réalité sans se soucier des théories, abonde en renseignemens curieux sur l’incroyable fécondité de ces suggestions par la conversation, par l’exemple, sur la portée d’un mot, d’une observation, d’un procédé ingénieux employé pour chercher la vérité et qui peut déterminer chez un enfant, chez un jeune homme une série de recherches analogues et, mieux encore, le désir de chercher. Si l’illustre Faraday, à l’âge de treize ans, apprenti chez un relieur, s’étant mis à lire au hasard quelques feuilles d’un modeste petit livre élémentaire sur la chimie, sent s’éveiller tout d’un coup son génie latent, s’empresse de vérifier les expériences indiquées sur la congélation, la dilatation, s’enchante déjà des perspectives qui s’ouvrent devant son esprit et jouit profondément du sens de la méthode qui se découvre à lui, que doivent être pour les vocations du même ordre l’influence des familles scientifiques où elles éclosent, ces habitudes de travail et de libre recherche, cet exercice permanent de la