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bavaroise sur le Neckar ou sur la Kinsig, lorsqu’il la trouva établie près du Markdorf et lui barrant la route ; Mercy avait l’avantage de la position et du nombre. Le maréchal changea son plan et, remontant vers le Haut-Neckar, attaqua la place de Rottweil, dont la possession lui paraissait devoir compléter son système d’occupation et se rattachait aux projets qu’il avait formés pour l’avenir ; mais là encore il fut prévenu par Mercy, manqua son coup de main. Repoussé du Neckar, il revint à son camp du mois de mars, à Wolsack, sur la Kinsig ; au moins avait-il atteint son but immédiat, empêché Lorrains et Bavarois de secourir Thionville. En effet, la réduction de cette place était déjà assurée, et le 10 août Anguien écrivait à Guébriant : « Mon armée est libre et celle de M. d’Angoulême étant à Verdun pour occuper mes postes, je suis en état de vous assister si vous voulez entreprendre quelque chose au-delà du Rhin. C’est donc à vous, Monsieur, de me mander franchement l’état auquel vous estes, celuy des ennemys et ce que vous pouvez entreprendre ; vous promettant de contribuer tout ce quy sera en mon pouvoir pour favoriser vos desseins… Notre armée est encore bonne et en fort bon état… Envoyez-moi quelqu’un bien instruit de vos intentions, et qui soit homme de créance. Nous pourrions faire quelque projet qui seroit avantageux au service du roy[1]. »

Guébriant répondit à cette ouverture par l’envoi d’un de ses généraux-majors français, Roqueservière ; à ce moment, le commandant de l’armée d’Allemagne était surtout préoccupé de l’orage qui menaçait notre récente conquête de Thionville. Ayant perdu le contact avec les Bavarois qui étaient remontés vers le Nord, il les croyait disposés à passer sur la rive gauche du Rhin, où les avaient précédés les Lorrains du duc Charles et où Hatzfeld allait peut-être les suivre. Guébriant voyait déjà toutes ces armées ennemies se réunissant sur la Moselle aux Espagnols, aux troupes de Beck, aux débris de celles de Melo, et ces coalisés marchant ensemble contre le duc d’Anguien, le surprenant au milieu de la confusion que présentent les abords d’une place à la suite d’un long siège. Il offrait de passer le Rhin et de marcher vers le prince, soit avec ses dix vieux régimens de cavalerie, soit avec toute son armée.

Roqueservière trouva M. le Duc à peu près sorti du chaos, ayant comblé ses tranchées, rasé ses lignes, réparé, regarni la place, très fatigué lui-même, ainsi que ses troupes, mais toujours plein d’entrain, se préparant à parcourir le Luxembourg, à chercher Beck de tous côtés, à Sierck, sur la Sarre, à Longwy. Il se conformait ainsi aux derniers ordres qu’il avait reçus de la cour autant qu’il pouvait saisir le sens de dépêches dont les dernières phrases contredisaient

  1. Le Laboureur.