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capitule pas avec sa souveraine et attendra l’effet de sa bonne volonté au temps qu’elle dict la vouloir faire paroistre[1]. » Un tel langage ne justifie pas l’invective du cardinal contre la cupidité d’autrui. D’ailleurs la note des « carnets » n’a pas de date ; elle fait partie d’un système apologétique qui ressemble fort à un plaidoyer écrit après coup. Mazarin en était alors à ses débuts comme premier ministre ; certaines parties de l’homme d’état lui manquaient ; il employait encore trop volontiers, dans la direction de la guerre, les procédés qui conviennent aux négociations : ainsi qu’au lendemain de Rocroy, il se montra indécis après la prise de Thionville ; il vit juste, mais trop tard.

Le retour du duc d’Anguien à Paris était généralement attendu aussitôt après la fin du siège. Et cependant lorsqu’il y parut un mois plus tard, quelques personnes jouèrent la surprise. Les discussions qui eurent lieu dans le conseil trouvèrent de l’écho dans le cercle des ambassadeurs et des courtisans. Survint le remplacement éphémère du duc d’Anguien par le duc d’Angoulême ; cet incident, presque burlesque, ressemblait trop à une scène de la comédie italienne et trahissait l’origine du premier ministre ; toutefois on en parla diversement. La vérité est que M. le Prince ne voulait ni qu’on lançât son fils dans une aventure, ni qu’on le chargeât d’une simple conduite de troupes. C’est malgré la vive résistance de son père que le duc d’Anguien se rendit au vœu du conseil, et la régente, le cardinal, tous les ministres reconnurent hautement le grand service qu’il rendit, le désintéressement dont il fit preuve en acceptant une mission qui revenait plutôt à un maréchal de camp qu’à un général en chef. Plus tard, après les événemens accomplis le ton se modifia ; alors on laissa dire que le vainqueur de Rocroy avait, par son retour et son séjour à Paris, à la fin de septembre, compromis le succès de la campagne d’Allemagne, et cette insinuation se glissa parmi les souvenirs, plus ou moins exacts, que Mazarin enregistrait à propos d’incidens nouveaux[2] ; mais les notes prises par le ministre en 1643 témoignent que le jeune général était venu à Paris muni d’une permission régulière[3]. L’examen des dates et des dépêches renverse le fondement de l’accusation ; si l’armée de Guébriant n’a pas été secourue en temps utile, la responsabilité appartient au premier ministre. L’orgueil et les passions ont entraîné le grand Condé à des fautes, à des actes coupables qui sont assez connus et que nous ne dissimulerons pas. Le soldat reste sans

  1. Minute originale.
  2. Huitième carnet.
  3. Deuxième carnet.