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reproche ; jamais il n’a manqué au dévoûment professionnel. Mais c’est assez chercher le mot de l’énigme. Voici le fait :


XXII. — LE SECOURS D’ALLEMAGNE.

Pendant quarante-huit heures, du 27 au 29 septembre, le duc d’Angoulême eut le titre de général de l’armée du Luxembourg, chargé de renforcer Guébriant, et il fut remplacé par le maréchal de Châtillon dans le commandement qu’il exerçait depuis plusieurs mois sur les frontières de Picardie et de Champagne. Les ordres furent préparés à cet effet ; quelques-uns même furent expédiés. Ils étaient tous révoqués le 30[1].

Le choix du vieux Charles de Valois n’était pas sérieux. Il n’avait jamais été bien habile ; il était alors complètement perclus, et il serait difficile de croire qu’on eût songé à lui, même pour un commandement, en quelque sorte postiche, de quarante-huit heures, si l’on n’avait sous les yeux les ordres ou avis donnés à divers ; mais, même pendant ces deux jours le duc d’Anguien ne cessa pas d’être désigné en fait pour conduire le secours en Allemagne. Il le conduisit en effet avec toute la diligence possible, sans mettre aucune condition à son obéissance, sans recevoir ni terre, ni pension, ni gouvernement. Pas une heure ne fut perdue par sa faute, ni dans l’expédition, ni dans l’exécution des ordres ; il suffit de changer un nom sur quelques pièces. Les deux intendans, Choisy et d’Oysonville, ne suspendirent pas un instant les préparatifs que les dépêches expédiées le 9, ou plutôt datées du 9, leur avaient prescrit de faire à Metz, Nancy, Saverne, et qui devaient prendre cinq ou six semaines ; car on ne pouvait rien improviser, rien omettre ; il fallait ménager nos conquêtes récentes, et faire en sorte que les troupes fussent bien pourvues sur leur route : un mécompte dans le service de la solde, du pain, des fourrages ou des transports eût été suivi d’un débandement général.

N’oublions pas que l’aversion des troupes pour « le voyage d’Allemagne » semblait insurmontable ; tous les renforts envoyés à Guébriant depuis deux ans avaient fondu comme la neige au soleil. Aussi multipliait-on les précautions : les intendans de justice et les prévôtés avaient reçu l’ordre de placer des archers à tous les passages de la Meuse, de la Marne, même de l’Aisne, pour arrêter les déserteurs ou les officiers revenant sans permission. « Ne donnez aucun congé, recommandait le ministre dans toutes les dépêches ;

  1. Le remplacement du duc d’Angoulême par le maréchal de Chatillon fut seul maintenu.