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désignés pour en faire partie avec cinq compagnies des gardes françaises, et le régiment fatigué d’Aubeterre fut remplacé par le beau régiment « Mazarin. » (Royal-Italien), que le cardinal tenait toujours en parfait état, et qui venait de se distinguer au siège de Thionville. — Tandis. qu’Espenan et d’Aumont prenaient la direction du Bassigny avec les troupes désignées pour rentrer dans le royaume, M. le Duc continuait sa route avec les autres et allait coucher à Saverne, d’où il put contempler cette admirable plaine d’Alsace qui était déjà terre de France et qu’il devait conserver à la patrie, lorsque, trente-deux ans plus tard, sur la fin de sa carrière, il recueillit la succession militaire de Turenne.

Le 22 octobre, il rencontra. Guébriant, qui était venu l’attendre à trois lieues de Strasbourg, au château, de Dachstein, et lui offrit un banquet dont les principales villes d’Alsace, avaient voulu rehausser l’éclat. Colmar avait envoyé les carpes, perches et brochets du Rhin ; Strasbourg des pâtés de coqs bruans (coqs de bruyère), tout ornés de plumes de ces beaux oiseaux. Le maréchal avait amené les principaux de son armée.[1] pour les présenter au prince qui s’assit à table, entre deux colonels de maisons souveraines, le marquis de Bade-Dourlach et le duc George de Wurtemberg[2]. Le lendemain, M. le Duc vit en bataille la petite armée que Guébriant avait concentrée auprès d’Ernstein ; l’effectif, ne dépassait pas sept mille combattans, et que d’efforts, il avait fallu pour maintenir cette poignée d’hommes ensemble ! Ces troupes étaient plus belles que sûres ; malgré les rudes épreuves de la campagne, la cavalerie était très bien montée, « les Weymariens ayant une habileté particulière à se procurer, des chevaux[3] ; » elles se faisaient remarquer par une correction dans les alignemens et dans les manœuvres qui avait déjà frappé et surpris plusieurs princes allemands experts dans le détail de l’instruction des troupes. Après cette revue, Rantzau fut installé dans ses fonctions ; personne ne fit bonne mine au nouveau lieutenant-général ; trop connu dans cette armée, tenu en médiocre estime malgré sa grande vaillance, il excitait la jalousie de quelques-uns et n’inspirait pas confiance aux autres ; ce choix était une erreur qui fut payée cher.

Tandis que Guébriant achevait ses préparatifs, le duc d’Anguien fit une tournée en Alsace et Brisgau ; d’Erlach lui fit à Brisach une réception magnifique ; il ne fut pas moins bien accueilli, non-seulement à Haguenau, où il y avait garnison française, mais aussi à

  1. Appelés, à la mode du pays, généraux-majors et colonels, tandis que dans nos autres armées on disait maréchaux de camp et mestres de camp.
  2. Frère cadet du duc régnant, qui avait embrassé l’autre parti. C’était un des plus braves de l’armée et peut-être le moins âpre dans ses prétentions.
  3. Lettre de Guébriant.