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avant le combat, auquel on rend grâce après le triomphe ; il se jeta au-devant des fuyards et les ramena. Au pas de course et face à l’ennemi cette fois, on passa devant un général de brigade ; un officier lui cria : « Où faut-il aller ? » Le général répondit en riant : « Suivez cette soutane, elle est dans la bonne route ! » Hélas ! malgré « cette soutane » et malgré « la bonne route, » on n’était pas dans le chemin qui conduit à la victoire.

La pauvre école transmuée en hospice était de dimensions si restreintes qu’elle en devenait inhospitalière. Où bâtir ? La place manquait ; on acheta un chalet portatif et on le roula dans un coin de la cour ; c’était un agrandissement, mais si médiocre qu’il était illusoire, A peine établie depuis une année, la maison ne pouvait plus suffire ni aux malades ni à leurs infirmières volontaires. Ne trouvera-t-on pas, comme sur les collines de Lyon, un clos de La Sarra, où l’on pourra construire un hôpital sérieux, un hôpital définitif dont les incurables et les Dames du Calvaire pourraient prendre possession ? Le clos existait rue Lourmel, non loin de la rue Léontine, à portée du boulevard de Grenelle et près d’un marché où il serait facile de s’approvisionner. Comment acheter et surtout comment bâtir ? Toujours de la même façon, en s’adressant à cette charité française, à cette charité chrétienne, qui jamais ne se récuse. Les femmes mirent de l’ardeur à demander et à donner ; l’une d’elles a livré ses diamans, qui étaient nombreux et de choix, à la seule condition que son nom ne serait jamais prononcé. Plus d’une de celles dont parle le monde, qui ont des titres retentissans, qui habitent des châteaux historiques et dont les aïeux suivirent Pierre l’Ermite, ont fait des économies sur leur toilette, n’ont pas renouvelé les harnais de leurs équipages pour glisser quelques billets de 1,000 francs dans l’aumônière des dames zélatrices ; au fond des bourses de quête on trouva des bracelets et des bagues. Je sais une femme élégante, et jeune, et jolie, - qui, pendant deux hivers consécutifs, ne porta que des robes de laine ; j’en fus étonné ; à cette heure, je n’en suis plus surpris.

Trois mille mètres de terrain furent achetés ; avec prudence, au fur et à mesure des ressources, on y éleva une maison hospitalière dont on prit possession à la fin de 1880. La première supérieure de Paris, Mme Lechat, qui par son activité avait tant contribué à la construction du nouvel hospice, n’y entra pas : on peut dire qu’elle mourut sur le seuil, le 24 septembre 1879. Pas plus que Mme Garnier elle ne s’était ménagée, mais moins heureuse qu’elle, elle partit avant d’avoir vu ses malades établies dans les conditions qu’elle avait rêvées pour elles. Le sceptre, — qui est une pince à charpie, — a passé aux mains de Mme veuve Jousset, dont le nom a