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officiels où l’on allègue que l’amortissement depuis la guerre a porté sur environ 2 milliards ; mais l’on néglige de dire que, en même temps que nous remboursions de faibles fractions de nos anciennes dettes, nous avions soin de pourvoir à une partie de nos dépenses ordinaires par des emprunts nouveaux au moyen d’un compte de liquidation indéfiniment prolongé et de l’imputation au budget extraordinaire de dépenses vraiment ordinaires. Les Américains, qui comprennent aussi bien que nous les vrais intérêts de la démocratie, nous avaient donné un excellent et double exemple que nous n’avons pas voulu suivre : convertir sans relâche les anciennes dettes, dès que le taux de l’intérêt changeait et amortir sans se lasser. Un de nos distingués confrères, M. Victor Bonnet, a, dans une précédente étude, montré combien l’amortissement est chez nous injustement négligé[1]. M. Thiers, avec son prévoyant bon sens, s’était efforcé de le constituer en stipulant qu’on rembourserait chaque année, sur les fonds du budget ordinaire, c’est-à-dire sur le produit des impôts, 200 millions de francs à la Banque de France, et que, après l’extinction de la créance de cet établissement, on rembourserait également sur les fonds du budget ordinaire les obligations à court terme créées pour le second compte de liquidation. On eût dû ainsi rembourser 170 millions de francs sur les ressources ordinaires de 1882 ; mais on s’est singulièrement éloigné des préceptes rigides de M. Thiers, et l’on n’a pourvu qu’au remboursement de 103 millions de francs sur les fonds mêmes du budget ordinaire. Après cette dérogation dangereuse, quand l’amortissement est ainsi à la portion congrue, peut-on le faire sonner si haut ? A-t-on le droit de le déduire du déficit de 167 millions, qui est le dernier mot du budget de 1882 ? Même si l’on veut faire cette déduction, ce qui serait à coup sûr une grande faiblesse et une grande imprudence, le déficit reste encore de 64 millions au moins.

L’exercice de 1883 se présente-t-il dans des conditions meilleures ? Il faudrait un singulier parti-pris d’optimisme pour le soutenir. Il fut voté par les chambres avec une évaluation de dépenses de 3 milliards 44 millions de francs. Comme toujours, les crédits supplémentaires étaient aux aguets, n’attendant que le vote du budget primitif pour faire irruption et détruire le fragile équilibre sur lequel on comptait. Dès le mois de mars, c’est-à-dire quand l’exercice n’était pas encore au quart de son cours, ils dépassaient 43 millions et portaient à la somme de 3 milliards 87 millions en chiffres ronds l’ensemble des dépenses proposées. Bien loin de marcher d’un pas égal dans le même sens, les recettes faisaient un mouvement dans

  1. Voyez la Revue du 1er novembre 1882.