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exemples frappans ? Qu’on jette les yeux sur le tableau inséré aux pages 70 et 71 de l’exposé des motifs du budget de 1884, on y terra que nos budgets sont pleins de reports : le budget ordinaire ne mérite plus son nom. Considérons le budget ordinaire de l’exercice 1879 : il profite de diverses ressources montant à 119 millions de francs qui sont empruntés aux exercices 1875, 1876 et 1877 ; ce même budget ordinaire de 1879, après avoir été emprunteur, devient prêteur et lègue 96,207,000 francs aux budgets ordinaires de 1881 et de 1882. Le budget dit ordinaire de l’exercice 1880 reçoit, à son tour, 66 millions de recettes appartenant en propre aux exercices 1876, 1877 et 1878, puis il transmet 130 millions aux exercices 1882 et 1883. L’exercice 1881 est dans les mêmes conditions ; on le dote au budget ordinaire d’un ensemble de ressources montant à 80 millions 1/2 empruntées aux reliquats des exercices 1877, 1878 et 1879, et, en mourant, il fait héritiers les exercices 1883, 1884 et les suivans d’une somme de 111 millions. Le budget ordinaire de 1882 est aussi donataire des précédens, mais il ne pourra rien donner aux budgets postérieurs. Il en est de même des exercices 1883 et 1884. L’exercice financier, suivant la méthode nouvelle, n’a donc en quelque sorte ni commencement ni fin ; ce n’est plus un tout qui se suffise à lui-même, un être qui naisse à un moment déterminé et qui meure tout entier à un moment précis. L’exercice n’est plus qu’un mythe ou un vocable. Aussi est-il impossible, au milieu de tous ces reports, de dire, sans un minutieux examen et une grande expérience, si un exercice financier est en déficit ou en excédent et quel est le montant de cet excédent ou de ce déficit. Une même somme est successivement inscrite au budget ordinaire de trois ou quatre exercices différens. Ainsi l’exercice 1876 ayant fourni des ressources à l’exercice 1879, lequel lui-même en a fourni à l’exercice 1881, qui, à son tour, a fait des dons aux exercices 1883 et 1884, on est en droit de dire que c’est la même ressource qui a figuré quatre fois comme recette dans quatre budgets divers. Quand donc on vient nous parler d’équilibre budgétaire ou d’excédens, il y a toute vraisemblance qu’on s’abuse. Pour que l’équilibre budgétaire existât, il faudrait qu’un exercice n’eût absolument reçu aucune ressource en dehors de celles qui lui sont propres, c’est-à-dire en dehors des revenus publics qui se sont produits pendant les mois constituant l’exercice. Aucun de nos derniers exercices n’est dans ce cas, ni celui de 1881, ni celui de 1882, ni celui de 1883 ; l’exercice 1884 n’y sera pas non plus. Dans les profondes ténèbres qui résultent de tous ces reports, les ministres pas plus que les chambres et le public ne réussissent à se rendre compte de la situation réelle des finances. Il faut reprendre l’ancienne méthode, qui est la bonne : le budget ordinaire ne doit