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librement, c’est-à-dire imités, traduits, ou réduits de celui d’Espinel. L’un et l’autre critique d’ailleurs, animé à la recherche par son succès même, nous a rendu le service d’augmenter cette première liste de tout ce qu’il a pu découvrir dans la littérature espagnole dont Le Sage aurait fait son profit. Ils avaient à leur disposition, pour les y aider, le travail d’un critique espagnol, don Adolfo de Castro, qui dans deux opuscules datés de 1845 et de 1846 s’était efforcé de déterminer le nombre exact de ses auteurs que Le Sage avait imités. Ainsi, tel épisode est emprunté d’une comédie de Figueroa, tel autre d’un drame de Rojas, le troisième, d’une comédie de Calderon, le quatrième, d’un drame de Moreto. Sur quoi peut-être serait-il curieux d’examiner à notre tour d’où Calderon et Rojas eux-mêmes ont emprunté leur drame ou leur comédie. Mais il vaut mieux indiquer, et sans sortir d’Espagne, les moyens de compléter cette énumération. A tant d’emprunts j’ajouterais donc, si c’en était ici le lieu, le détail de tous ceux que Le Sage a faits à la Vie d’Estévanille Gonzalez et aux Aventures de Guzman d’Alfarache. En effet, ils sont peut-être plus nombreux que tous ceux qu’il a pu faire aux Relations de Marcos d’Obregon. Et, pour aller plus loin encore, je ne doute pas qu’un investigateur patient des romans picaresques, un lecteur attentif d’Alonzo, serviteur de plusieurs maîtres, par exemple, de Yanez y Rivera, ou encore de Ruffina, la Fouine de Séville, de Castillo Solorzano, faisant la même recherche, et sachant d’autre part comment Le Sage compose, n’aboutît aux mêmes résultats. Seulement, ce n’est pas là la question, ou du moins, si c’est une question, la question de l’originalité de Gil Blas en est une autre, et voici comme on peut la poser[1].

Il existe de Le Sage, sous le titre de Félix de Mendoce, une imitation avouée d’un drame de Lope de Vega, et, sous le titre de Don César Ursin, une adaptation déclarée d’une comédie de Calderon : il s’agit de savoir pourquoi ni la comédie de Calderon ni le drame de Lope de Vega, lesquels sont pourtant d’autres hommes que Vincent Espinel, ne se sont acquis la réputation européenne de Gil Blas, Il existe également de Le Sage une traduction avouée de Guzman d’Alfarache, et une adaptation déclarée d’Estevanille Gonzalez : il s’agit de savoir pourquoi ni le second ni le premier de ces romans picaresques ne se sont acquis la réputation européenne de Gil Blas ? Il existe enfin des suites, continuations, ou imitations de Gil Blas} il y en a de françaises, il y en a d’allemandes ; peut-être en trouverait-on en d’autres langues encore : il s’agit de savoir

  1. Si peut-être le lecteur était curieux de savoir comment en Espagne on traite encore aujourd’hui Le Sage, il se procurerait une récente édition de la Vida del Escudero Marcos de Obregon, et lirait la préface qu’y a mise M. Juan Perez de Gusman. 1 vol. in-18, Barcelone, 1881. Biblioteca “ Arte y Letras. »