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cent tubes. » C’est une sorte de damier garni de cent tubes à essai qui renferment des infusions préalablement bouillies ; en le laissant exposé à l’air, on constate que les tubes sont attaqués d’une manière très inégale, et M. Tyndall en conclut que les germes flottent dans l’atmosphère par groupes et par nuages qui se succèdent d’une manière plus ou moins capricieuse. Mais ce mode d’expérimentation n’est pas assez précis pour conduire à des résultats concluans. « Pour ma part, dit M. Miquel, je ne crois pas aux nuages de bactéries, dont je compare l’existence éphémère à la fumée des usines, diluée dans l’atmosphère au fur et à mesure qu’elle s’échappe du foyer qui la produit, surtout si le vent a quelque force. » En attendant qu’on trouve un procédé plus sûr, on pourra donc se servir avec confiance de celui qui est journellement employé depuis cinq ans par les habiles expérimentateurs de l’observatoire de Montsouris.

Mais les précautions dont il est indispensable de s’entourer pour obtenir des liquides nutritifs parfaitement stérilisés avant l’ensemencement ne sont pas aussi simples qu’on l’avait longtemps supposé. La température de l’ébullition est en général insuffisante pour tous les germes contenus dans ces liquides, et s’ils restent parfois limpides après un chauffage à 100 degrés ou même à 70 degrés, cela prouve seulement que les germes qu’ils tiennent en suspension n’y trouvent pas les conditions favorables à leur développement ; pour se convaincre de la persistance de cette fécondité latente, il suffit d’ensemencer avec une goutte de ces liquides un bouillon parfaitement stérilisé. La température nécessaire pour détruire sûrement les germes des microbes les plus réfractaires à la chaleur humide n’est pas inférieure à 110 degrés ; encore faut-il la faire agir pendant deux ou trois heures, car des germes de bacilles peuvent résister dix minutes dans l’eau chauffée à près de 140 degrés. Comme ces températures élevées auxquelles il faut soumettre les infusions végétales, bouillons, jus de viandes, etc, pour les stériliser, ont pour conséquence d’altérer les substances albuminoïdes de ces liqueurs, on a cherché d’autres procédés pour obtenir des milieux nutritifs sans germes, et M. Pasteur en a indiqué plusieurs : on arrive, en effet, au même but en extrayant directement, avec certaines précautions, les liquides animaux de l’organisme des êtres vivans, en faisant digérer de la viande fraîche dans de l’eau portée au préalable à 110 degrés, en filtrant les sucs ou les jus de viande à travers du plâtre, de l’amiante, etc. En somme, on possède désormais plusieurs moyens de préparer sûrement des liquides purs de tout germe et capables de favoriser l’éclosion des bactéries aussitôt qu’ils en sont ensemencés.

A l’observatoire de Montsouris, les tubes à boule ensemencés sont placés sur des supports et rangés sur les étagères d’une étuve