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diplomatique assez grave. Il s’agit d’une interprétation du droit d’asile. Les États-Unis se rendront-ils à la demande que lord Granville est sur le point d’adresser à Washington ? Ils hésiteront probablement, ils pourront invoquer les traditions, les exemples du gouvernement britannique lui-même en plus d’une circonstance. La difficulté ne laisse pas d’être sérieuse, et c’est ainsi que l’Angleterre voit sans cesse renaître, sous une forme ou sous l’autre, ce problème irlandais dont elle ne peut arriver à se délivrer ni par les mesures libérales, ni par les coercitions et les répressions.

Le cabinet de M. Gladstone, du reste, malgré les succès qu’il a eus jusqu’ici, malgré l’ascendant qu’il n’a pas perdu, n’est point à un embarras près dans sa politique intérieure, et il n’est peut-être plus à l’abri des mécomptes. Il vient de l’éprouver ces jours derniers encore à propos de cette éternelle affaire de l’admission de M. Bradlaugh qu’il avait essayé de régler par un bill de conciliation proposant la modification du serment parlementaire et qui semble aujourd’hui plus compliquée que jamais après une discussion nouvelle et un vote récent de la chambre des communes. C’est une vieille et assez maussade histoire qui se reproduit périodiquement depuis trois ans et qui n’est peut-être pas près de toucher à un dénoûment. M. Bradlaugh, élu une première fois par Northampton, a cru pouvoir forcer l’entrée du parlement, « bannière déployée » en refusant le serment religieux traditionnel, en se donnant comme un représentant de la libre pensée, ou pour mieux dire, de l’athéisme ; il a été arrêté au seuil de la chambre, il n’a pas été admis. Élu une seconde fois, il s’est ravisé, il a offert de prêter le serment sur la Bible qu’il avait d’abord refusé ; mais on s’est souvenu de ses premières déclarations, des opinions qu’il avait publiquement professées, et, bien qu’il fût cette fois dans la stricte légalité, il a été de nouveau repoussé. Il a essayé de tous les moyens, même des manifestations populaires et d’une sorte d’entrée de vive force dans la chambre ; il n’a pas réussi. C’est alors que M. Gladstone, pour en finir avec un conflit dangereux, a eu la pensée de proposer un bill tendant à modifier la formule religieuse du serment ou plutôt à substituer une simple déclaration au serment, et c’est sur ce bill que s’est engagée tout récemment une discussion des plus sérieuses, des plus vives, qui n’a pas duré moins de quatre ou cinq jours. M. Gladstone a retrouvé les plus beaux élans d’une inépuisable éloquence pour soutenir son bill, pour défendre, non l’élu de Northampton, mais ce qu’il considérait comme un principe libéral. M. Bradlaugh lui-même a demandé à être entendu, il a plaidé sa cause. L’opposition, à son tour, conduite par le chef des conservateurs dans la chambre des communes, sir Stafford Northcote, a combattu énergiquement le ministère et sa proposition. Bref, le bill a été repoussé. Le cabinet, malgré ses efforts, a été vaincu. La majorité contre lui n’a été, il est vrai, que de trois voix ;