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concession, et, si les clauses stipulées pour l’octroi de la propriété définitive du sol n’avaient pas été remplies, le colon pouvait être évincé[1].

On devine aisément les inconvéniens d’un pareil système uniformément applicable à toutes les parties d’un immense territoire, dont les circonstances économiques varient à l’extrême d’une contrée à l’autre, quant à la nature du sol et à l’espèce des productions agricoles qu’il est en état de fournir. Mais tel est le fond à peu près immuable de tous les plans de colonisation officielle, et le résultat le plus sûr en a toujours été de paralyser à force d’entraves et d’instabilité les féconds efforts de l’initiative individuelle ; Le système du genre n’était pas toutefois encore atteint. Il restait à essayer d’impatroniser en Algérie des colonies militaires à l’instar de celles qu’avaient jadis fondées nos devanciers les Romains. Cette idée avait souri au maréchal Valée, qui, par un arrêté en date du 1er octobre 1840, songea, le premier, à créer près de Coleah une colonie militaire de 300 soldats, auxquels furent alloués conditionnellement quelques hectares de terre, avec un emplacement propre à servir de centre aux constructions rurales qu’ils étaient tenus de bâtir. Les avantages stratégiques de cette combinaison étaient de nature à frapper vivement l’imagination du maréchal Bugeaud, qui, dans des occasions récentes et décisives, venait de remporter sur les Arabes de brillantes victoires. Elle allait droit au cœur du grand homme de guerre et du fervent agriculteur qui avait adopté la fière devise : Ense et aratro. Après Isly, tous les efforts du maréchal, dont l’influence sur la direction à donner aux affaires algériennes était devenue justement dominante, tendirent à faire agréer par le gouvernement un ensemble de mesures élaborées de longue date avec amour jusque dans leurs moindres détails et jugées par lui indispensables au succès de la colonisation. Au ministère de la guerre l’adhésion fut complète. A vrai dire, l’exposé des motifs du projet de loi déposé au commencement de 1847 par le titulaire de ce département, le général Moline de Saint-Yon, pour demander l’ouverture d’un crédit de 3 millions à affecter à l’établissement de camps agricoles en Algérie, n’était que le développement des idées du maréchal. Il était clair qu’il en était l’auteur, et c’était lui, en réalité, qui avait tenu la plume. Outre qu’il expose clairement le plan dont il s’agit, ce document officiel indique avec grande précision où en étaient les essais de colonisation expérimentés, en 1847, sur le territoire de nos trois provinces ; c’est pourquoi nous en reproduirons ici les passages les plus essentiels :

  1. Arrêté du 4 mai 1841, ordonnances des 21 juillet et 1er septembre 1845, des 5 juin et 1er juillet 1847.