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besoins dûment constatés. L’effet de ces mesures se fit sentir à l’instant même, presque du jour au lendemain, et l’on peut dire sans hésitation de la dernière, celle qui exigeait de tout colon un versement préalable en argent, qu’elle a, plus que toute autre, puissamment contribué au succès de l’œuvre. Immédiatement appliquée à Boukalfa, le second des villages créés par la société, la nouvelle condition y produisit, comme à Haussonviller, les plus heureux résultats. A Boukalfa, la société de protection avait hérité de huit colons primitivement installés par M. Jean Dolfus, ancien maire de Mulhouse, dans des maisons dont il leur avait généreusement fait don. La plupart de ces ouvriers de fabrique, peu préparés à mener la rude vie des colons, avaient, pour une raison ou pour une autre, assez mal réussi. Cette localité, dont les terres sont fertiles et qui est agréablement située près du Sebaou, sur le penchant d’une verte colline, mais où quelques cas de fièvres s’étaient produits au début, semblait avoir, somme toute et quoique à tort, la réputation d’un lieu mal choisi pour la colonisation. Cependant les demandes abondèrent pour les lots vacans, comme pour ceux qui restaient encore à donner à Haussonviller ; circonstance singulière et bien encourageante, elles provenaient des parens, amis et connaissances des familles déjà établies dans ces deux centres et elles se produisaient juste au moment où la clause de la garantie pécuniaire à fournir était de nature à écarter ceux des concurrens qui n’auraient pas été animés d’une intrépide confiance. A partir de ce moment, à Haussonviller, comme à Boukalfa, tous les colons ayant accepté cette condition n’ont jamais rien demandé au-delà de ce qui leur avait été promis.

Ainsi confirmée dans la justesse de ses vues, la Société de protection estima qu’il ne lui serait pas impossible de recruter pour le peuplement de son troisième centre, le Camp-du-Maréchal, un personnel de colons plus à l’aise et, par conséquent, aptes à réussir plus vite et plus complètement que ceux qui s’étaient jusqu’alors adressés à elle. Le Camp-du-Maréchal, situé entre les pentes d’un contrefort du Djurjura et les rives du Sebaou, forme une plaine ondulée d’une fertilité extrême, dont les bas-fonds sont presque annuellement inondés par les crues de ce torrent, alors que la fonte des neiges ou des pluies abondantes en font tout à coup un large fleuve au cours impétueux. Cependant les eaux déversés durant l’hiver tout le long de la rive qui borde le Camp-du-Maréchal donnent naissance à des marais sans écoulement, dont les émanations pestilentielles fort redoutées devenaient, pendant l’été, pour le pays environnant, une cause évidente d’insalubrité. Avant de songer à y établir aucun colon, la société, qui jouissait de l’usufruit de ce territoire depuis l’année 1873, appliqua les revenus qu’elle tirait de sa location aux Arabes à creuser des fossés pour écouler l’eau de tous les bas-fonds,