Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 57.djvu/664

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans les cinquante dernières années, elles se trouvent absolument défectueuses. L’archéologie classique, par exemple, ne possède qu’une seule bibliothèque spéciale dans Rome, celle de l’institut allemand. — Il a donc fallu consacrer de grands efforts à doter notre École française, dès ses premières années, d’une très souple provision de livres : on va voir que nous y avons été puissamment aidés.

S’il est des personnes qui croient taris en France la source des nobles initiatives, il faut leur représenter ce que reçoivent de donations les sciences, les lettres et les arts, académies, sociétés savantes, instituts spéciaux. On crée des prix, on établit des concours, on destine des sommes annuelles pour encourager l’examen réfléchi et continu de certains problèmes. L’École française de Rome a été en possession d’un budget régulier depuis 1677 ; mais les budgets réguliers, tout en assurant la vie de chaque jour, ont le tort d’ajourner des satisfactions qu’il serait très profitable de ne pas abandonner à un trop lointain avenir. Ainsi l’a pensé, pour ce qui nous concernait, un très généreux mécène, un de ces hommes possédés de la passion du bien auxquels l’intérêt public est aussi cher que l’est aux autres l’intérêt privé, M. Frédéric Engel-Dollfus[1]. Le principal champ d’action de ce zélé philanthrope, deux fois Français, par la naissance et par l’option, est, il est vrai, l’Alsace. C’est là qu’il faut le connaître, multipliant les œuvres en faveur des classes ouvrières. Mais ce complet homme de bien est particulièrement préoccupé des intérêts purement intellectuels, de l’instruction publique, de la science et de l’art. En 1863, il collabore avec M. Jean Macé à l’œuvre des. bibliothèques communales et y intervient de ses derniers. Il fait établir en même temps des cours populaires et des conférences. Il provoque et soutient des publications telles que celui d’un Cartulaire de Mulhouse, dont le premier volume vient de paraître. Il contribue par de généreux présents à la création définitive d’un musée dont l’édifice vient d’être inauguré, avec des expositions où les artistes français trouvent dès

  1. Gendre de M. Jean Dollfus, le célèbre fondateur des cités ouvrières, M. Engel a fondé lui-même ou développé salles d’asile, écoles, caisses de secoues et de retraite, maisons de patronage. Il a inventé en 1865 un système d’assurance collective, comprenant le mobilier de l’ouvrier partout où il habite. Il a créé en 1867 la Société pour prévenir les accidens de machines, société dont les appareils sont adoptés aujourd’hui dans beaucoup de centres industriels, à Rouen, en Belgique, en Allemagne, en Autriche. On lui doit, la même année, le cercle ouvrier de Dornach, imité depuis à Mulhouse et au Havre. Il a combattu le progrès de la consommation de l’alcool, devenu très redoutable en Alsace depuis que l’importation des vins de France y est presque interdite. L’an dernier, il faisait élever à ses frais un dispensaire pour les enfans malades.