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C’est le Cursus honorum de Caius Caelius Saturninus ; il est gravé sur le piédestal de sa statue, retrouvé en 1856 à Rome et conservé aujourd’hui au musée du Latran. Saturninus a commencé sa carrière sous Dioctétien et l’a terminée sous Constantin, après avoir occupé jusqu’à dix-huit fonctions que le marbre énumère. Plusieurs de ces fonctions étaient absolument inconnues jusqu’à la découverte de ce texte, par exemple celle de l’Examinator per Italiam. Borghesi, après examen, ne proposa sur ce sujet aucune explication. Le père Garrucci dit nettement : « On ne sait pas en quoi consistait cette fonction, dont il n’est parlé ni dans le Code ni dans la Notice, et qui est toute nouvelle en épigraphie. » M. Mommsen fit à peu près la même déclaration. M. Henzen écrivit : « Je laisse à d’autres plus versés que moi dans les livres de droit, et dans tout ce qui regarde l’administration de l’empire reconstitué par Dioclétien et Constantin, le soin de se prononcer sur les difficultés non résolues par Borghesi. » Or, par une patiente discussion de divers textes épigraphiques comparés aux textes de droit, M. Edouard Cuq élimine d’abord les analogies qu’on avait proposées à défaut d’explications directes ; il démontre ensuite que l’Examinator était un fonctionnaire de l’ordre administratif et de l’ordre judiciaire à la fois, investi de quelques-unes des attributions de nos conseillers à la cour des comptes et de nos conseillers de préfecture, et chargé de veiller au paiement exact de l’impôt, de recueillir les reliqua, et de juger les procès auxquels cette administration pouvait donner lieu. Quant au Magister sacrarum cognitionum, c’était, suivant lui, un véritable commissaire-enquêteur comme celui de notre ancien droit français ; il a été l’instrument des empereurs qui, en retenant les causes civiles ou criminelles, attiraient à eux toute la puissance judiciaire, et se procuraient un des moyens les plus énergiques de ruiner les institutions républicaines. Dans ces dissertations où l’épigraphie et le droit se prêtent sans cesse un mutuel appui, dans un mémoire très important du même auteur sur le Conseil impérial qui va être publié sous les auspices de l’Académie des inscriptions, des solutions ont été proposées là où les meilleurs maîtres n’avaient donné aucune réponse, et plusieurs de ces solutions ont obtenu leur complet assentiment : nous avons compté ces résultats comme de réels succès.

La plupart des études d’antiquité romaine tendent naturellement aujourd’hui vers la période de l’empire parce que les récentes découvertes épigraphiques l’éclairent d’une lumière nouvelle, et parce que l’examen en est d’ailleurs d’un intérêt très général. Il n’y a pas une des grandes nations de l’Europe occidentale qui ne retrouve, en observant la lente formation de cette vaste monarchie administrative,