Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 57.djvu/720

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mesures ou à des libéralités partielles, à une remise des impôts arriérés à un allégement de peines pour des condamnés, à une atténuation de quelques rigueurs de police. Le seul point saillant de ce manifeste est une mention de la Pologne sous la forme d’une amnistie décrétée pour les Polonais qui ont participé à la dernière insurrection. Aucune mesure d’un ordre général n’est adoptée pour l’empire. Alexandre III s’en tiendra-t-il à ces modestes libéralités des manifestes du sacre ? Tout peut dépendre des événemens, et il n’est point impossible que la politique intérieure de la Russie ne se ressente par degrés du caractère tout pacifique de ces somptueuses fêtes de Moscou qui viennent de montrer une fois de plus tout ce que garde encore de force et de prestige ce pouvoir des tsars si violemment menacé par les sectaires du nihilisme.

Les fêtes royales de Madrid, sans être aussi grandioses que celles de Moscou, ne sont pas moins brillantes à leur manière et n’ont pas moins leur intérêt pour les deux pays, dont les souverains rivalisent en ce moment même de cordialité et de bonne grâce. La ville de Madrid et le jeune roi Alphonse XII se sont mis en frais pour recevoir dignement la visite des souverains portugais.

Ce n’est point sans doute que l’Espagne n’ait ses difficultés politiques et plus d’un embarras dans ses affaires. Elle a, elle aussi, ses anarchistes de l’Andalousie et des villes industrielles, ses nihilistes de la « main noire » dont le procès se juge à l’heure qu’il est et révèle une situation sociale singulièrement altérée. Elle a encore ses troubles, ses divisions de partis, ses luttes de parlement ; et le ministère de M. Sagasta a fort à faire pour se maintenir entre ses alliés de la gauche et ses alliés plus modérés, — pour se tirer de tous les conflits qui se nouent incessamment autour de lui. L’Espagne n’est point certainement à l’abri de crises politiques qui peuvent un jour ou l’autre avoir leur gravité} mais pour quelques jours tout est oublié, tout s’efface devant cette visite du roi et de la reine de Portugal, à qui la courtoisie espagnole a ménagé un accueil à la fois aimable et fastueux. Excursions à Aranjuez, voyage à Tolède, réceptions au palais de Madrid, courses de taureaux, démonstrations affectueuses, rien n’est négligé pour intéresser et amuser des hôtes à qui on veut plaire. Tout le monde espagnol s’emploie à faire fête à ces princes portugais dont la visite est une marque de l’intimité renaissante entre les deux pays. Ce n’est point d’aujourd’hui d’ailleurs que ces rapports plus intimes ont commencé à se former. Il y a quelques années les deux souverains se rencontraient déjà, à l’occasion d’une inauguration de chemin de fer, à Elvas, et ils nouaient amitié. L’an dernier, le roi Alphonse et la reine Christine allaient à Lisbonne, où ils recevaient une cordiale hospitalité. Aujourd’hui le roi dom Luiz et la reine Maria Pia sont à Madrid, où ils sont venus sceller