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assurer dans le plus court délai le départ et l’embarquement de ces troupes décimées, démoralisées, affaiblies par les fatigues et les privations. L’entreprise offrait des difficultés de plus d’un genre. La distance qui séparait le camp de la flotte était considérable et les chemins impraticables. Il fallut, en quelques jours et sans attirer l’attention de l’ennemi, créer une route au milieu des marécages. Le général Lambert prit avec une activité et un sang-froid remarquables toutes les dispositions nécessaires. Dans la soirée du 18 janvier, il fit, comme d’ordinaire, allumer les feux et placer les sentinelles à l’entrée du camp ; et, sans que rien fût changé à l’aspect intérieur, l’évacuation s’opéra pendant la nuit, au milieu du plus profond silence.

La nouvelle ne fut connue des Américains que dans la matinée du lendemain : un médecin anglais vint apporter au quartier-gênéral une lettre dans laquelle le général Lambert recommandait à l’humanité de Jackson les blessés qu’on n’avait pu transporter. Ce dernier se rendit aussitôt au camp anglais, fit conduire les blessés dans les ambulances et laissa un détachement pour garder la position et prévenir un retour offensif. Le reste de l’armée rentra aussitôt à la Nouvelle-Orléans, où Jackson fit demander à l’évêque catholique, M. Dubourg[1], de chanter un Te Deum.

La cérémonie fut fixée au 23 janvier. L’armée victorieuse traversa la ville au milieu des acclamations enthousiastes de la foule qui se pressait sur son passage. Un arc de triomphe s’élevait devant la cathédrale ; le sol était jonché de fleurs ; des jeunes filles, rangées des deux côtés, représentaient les états et les territoires de l’Union et en portaient les couleurs. Le général, entouré de son état-major, passa sous l’arc de triomphe, reçut une couronne de laurier que portaient des enfans et, après avoir été complimenté par l’évêque, fut conduit à un siège qui lui avait été préparé auprès de l’autel. Il répondit aux félicitations qui lui étaient adressées en y associant l’armée et la population de la Nouvelle-Orléans. « Je vous remercie, dit-il au prélat, des prières que vous offrez pour mon bonheur. Puisse avant tout le ciel entendre celles que vous inspire votre patriotisme pour notre bien-aimé pays ! Puisse-t-il également accueillir celles que je lui adresse pour votre bonheur individuel aussi bien que pour la prospérité de la congrégation confiée à vos soins ! S’il en est ainsi, la prospérité, la richesse, le bonheur de cette ville seront à la hauteur du courage et des grandes qualités de ses habitans. »

La nouvelle de la défaite et du départ de l’armée anglaise arriva

  1. Depuis archevêque de Besançon.