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pas ; et on a déjà de graves raisons de suspecter tous ceux qu’on apporte au laboratoire.

M. Jarlaud a parfaitement raison quand il dit à la chambre de commerce : « On livre à Paris annuellement 4,500,000 hectolitres de vin, soit, en prenant une moyenne de 7 hectolitres par chaque livraison particulière, 640,000 parties de vin, soit 640,000 échantillons, qui auraient pu être soumis au laboratoire, car il va de soi qu’on ne lui porte ou qu’il n’analyse que les vins douteux et suspects. Or, sur ces 640,000 parties, il y en a eu combien ? 1,911, soit seulement 3 pour 1000 qui sont de mauvaise qualité. Nous voilà loin du chiffre du laboratoire de 56 pour 100, et encore plus de celui du Times, qui estime généreusement à 6.50 pour 100 le quantum des vins français buvables. »

Nous ne sommes si loin ni de l’un ni de l’autre chiffre. Le tout est de les citer à leur place. Le Times eût été dans le vrai en disant que, sur 100 échantillons préjugés mauvais, on en a trouvé de 6 à 10 qui étaient bons. « Et, continue M. Jarlaud, si, au lieu de prendre les 56 pour 100, qui comprennent les vins mauvais, nuisibles et non nuisibles, on calculait seulement sur le chiffre des nuisibles (seul chiffre qui intéresse la santé publique), on trouverait la décimale insignifiante, j’ose dire homéopathique, de 31 centièmes pour 1000. » C’est ici que nous refusons de suivre M. Jarlaud. Le chiffre des mauvais non nuisibles, peut ne pas intéresser ma santé, mais il intéresse ma bourse. Je ne veux pas acheter de l’eau de Seine, même à quatorze sous le litre, et ce n’est pas en dose homéopathique que MM. les marchands de vin emploient l’eau de Seine. Le mouillage, voilà l’ennemi ! Osons le dire, puisque M. Gambetta, M. Lockroy et autres grands politiques, qui ont reçu les doléances de marchands de vin et présidé de leurs réunions, ne l’ont point osé.

Comment s’établissent ces catégories de nuisibles ou non nuisibles, mouillés ou non mouillés ? Nous arrivons aux plus graves objections portées contre les travaux du laboratoire. La liberté du commerce n’est atteinte en rien par une institution chargée de veiller à son honnêteté. La publicité des travaux n’offre point d’inconvénient si les renseignemens sont exacts et si les résultats ne sont point exagérés. Les analyses chimiques se font-elles avec toute la rigueur nécessaire ? C’est une question que les Documens publiés par le directeur du laboratoire nous permettent d’examiner.

L’analyse de matières organiques telles que le vin et le fait présente de grandes difficultés. En effet, ce sont des mélanges de substances chimiques fort variées et dont les quantités relatives ne sont pas constantes. La partie liquide du vin est un mélange d’eau et