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français et peut-être le plus éminent des professeurs. Il s’est déjà fait connaître par de nombreux travaux originaux, et son habileté comme analyste ne peut être mise en doute. Au surplus, toutes les fois que le parquet a jugé à propos d’intenter des poursuites, les renseignemens fournis par M. Girard et ses collaborateurs ont été contrôlés par une contre-expertise, et deux fois seulement la contre-expertise leur a donné tort.

Les résultats publiés ont été mal interprétés. Quant aux moyennes, on a beaucoup répété que M. Girard, en les fixant, s’arrogeait un droit exorbitant. A notre avis, il est absolument impossible de concevoir qu’un chimiste chargé du travail de M. Girard puisse procéder autrement. Comment veut-on qu’en présence de mille échantillons devins coupés, sans origine connue, un chimiste n’adopte pas certains principes déterminés, d’après lesquels il pourra établir un classement ? Si on lui confie une bouteille déclarée de tel cru de Bordeaux, et de telle année, il aura toujours la ressource de la comparer à une autre bouteille du même cru de Bordeaux, et de la même année. Mais si on lui présente un vin qui est simplement déclaré bon et marchand, il faut bien que ce chimiste ait adopté une règle de conduite, et se soit fixé certaines conditions en dehors desquelles le titre de bon et marchand ne sera pas toléré.

Le droit d’établir une moyenne est nécessaire : les chimistes pourraient, à la vérité, ne pas la publier ; mais alors ils ne donneraient plus les motifs de leurs avis, qui paraîtraient arbitraires. Certains commerçans et certains hommes politiques croient tempérer ce droit en rattachant le laboratoire à la préfecture de la Seine. Qu’importe ? Le préfet de la Seine et le préfet de police sont de puissans personnages ; mais les réactions chimiques échappent à leur juridiction ; l’eau, l’alcool, les sucres, les matières grasses ne changeront pas de nature même sous le régime de l’autonomie communale, et l’acide sulfurique se combinera toujours à la potasse, sous la direction de M. Camescasse ou sous les auspices de M. Oustry.

Si nous osions émettre une opinion, elle serait bien différente. Peu nous importerait l’administration à laquelle le laboratoire serait rattaché. Mais nous aimerions à voir dédoubler les services et le budget du laboratoire municipal. En Angleterre, l’avis des public analysts est toujours susceptible d’appel ; les expériences peuvent toujours être recommencées au laboratoire supérieur des douanes et des octrois. N’est-ce pas raisonnable ? En matière de falsifications, il y a deux sortes de juges, des juges de fait et des juges de droit, et il nous semble que lorsque les premiers ont prononcé, les seconds n’ont plus grand’chose à faire. Cependant on peut appeler du jugement de droit, on ne le peut pas du jugement de fait. N’aurait-on