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consoleront peut-être en pensant que le style des auteurs eût toujours été faible. Georgette dit à son père : « Laissez-moi le temps que mon respect pour vous n’enchaîne plus l’effusion de ma tendresse ! » Même si la suite du drame eût été plus raisonnable, les caractères mieux ménagés, les mœurs mieux observées, la langue n’eût pas été plus pure, notre chagrin eût été plus vif encore de voir gâcher tout un ouvrage et non plus seulement un titre, comme le deuil est plus profond pour la mort d’un enfant que pour un enfant mort-né. Ces défauts et ces fautes de langue n’empêchent pas que le dialogue de la Vie facile ne soit par endroits agréable et que la pièce ne s’écoute avec un plaisir modéré. Elle est soutenue, d’ailleurs, par le talent de MM. Adolphe Dupuis et Dieudonné, qui représentent Montgiraud et Trévisan ; on voit auprès d’eux Mlle Legault, moutonnière et minaudière dans son rôle d’ingénue, et Mlle Pazza, une débutante, qui paraîtrait comédienne dans un théâtre de drame et ne paraît que moyennement dramatique au Vaudeville.

La Vie facile n’est qu’un médiocre appoint à Fédora, et le Vaudeville, dans cette année dramatique, n’aura produit rien de plus. Les directeurs, à présent, ne veulent guère jouer que de grosses parties : s’ils gagnent, ils n’ont pas à renouveler souvent leur enjeu. Une des conséquences de ce système est la rareté des pièces en un acte, où s’éprouvaient naguère les jeunes auteurs et se délassaient les autres. Reportez-vous de quarante ans en arrière et comptez combien de jolies petites comédies voient éclore dans une saison les différentes scènes parisiennes, depuis la maison de Molière jusqu’au dernier théâtre de genre ! Dans cet hiver, dans ce printemps-ci, je n’en aperçois qu’une, fort spirituellement tournée, mais une seule, la Nuit de noces de P.-L.-M., de M. Fabrice Labrousse, aux Variétés. Le Palais-Royal, après Divorçons, est entré dans la période des vaches maigres : un mardi, deux pièces nouvelles en un acte ont paru sur l’affiche ; le samedi, elles n’étaient déjà plus. Le genre se perd ; l’art de souffler ces légères bulles n’est point assez protégé. Le Gymnase les accueille encore, mais à des heures peu favorables : les Femmes qui fument, un gentil début de M. Peloux, et le Nouveau Régime, un opuscule de MM. Meilhac et Prével, tout semé d’amusans détails, n’ont guère été joués que trois semaines avant la clôture. La Partie de dames, de M. Feuillet, ce dialogue si délicat et si touchant, mis à la scène pour la première fois par M. Saint-Germain et Mme Pasca, sera bientôt applaudi à Londres : à peine si nous avons pu l’entendre à Paris. Que fait enfin la Comédie-Française ? Depuis Service en campagne, c’est-à-dire depuis treize mois, elle n’a représenté aucun de ces menus ouvrages. Aux approches de l’été, voici qu’elle en promet plusieurs. Elle ne se contente pas d’une reprise des Demoiselles de Saint-Cyr, — sur laquelle il conviendrait d’insister, aussi bien que, sur une reprise d’Henri III et sa Cour, au théâtre de la Gaîté, où un jeune