Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 57.djvu/949

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

premier rôle, M. Raphaël Duflos, s’est révélé ; — la Comédie-Française veut faire grandement les choses pour l’encouragement des petites pièces ; elle en annonce trois ou quatre, comme les magasins de nouveautés affichent une vente de coupons en « fin de saison : » quelle est celle-ci, qui parait la première ? Toujours, comédie en prose, de M. Charles de Courcy !

Hélas ! ce n’est qu’un monologue à deux personnages, — à cinq ou six, nous ne discuterons pas là-dessus, si l’on veut compter des domestiques qui ne font qu’entrer et sortir ; mais le second personnage, nécessaire, celui-là au moins, pour que le dialogue s’établisse, n’est guère plus important que ces comparses. Le héros de l’ouvrage, c’est M. de Martonge ou plutôt M. Coquelin cadet ; car ce n’est pas un personnage, même de fantaisie, c’est proprement l’inventeur, le propagateur du monologue fantasque qui fait irruption sur la scène pour nous raconter son aventure. Quelle aventure ? Peu importe : ce qui doit provoquer le rire, ce n’est pas cette histoire banale d’un amoureux qui s’est éloigné d’une honnête femme en échangeant avec elle un serment, d’amour éternel ; qui s’est marié, six mois après, avec une autre ; qui, le lendemain de la noce, a reçu la nouvelle que l’objet de sa première flamme était devenu libre ; qui se retrouve par hasard en face de cette veuve, et tout à l’heure écumera, nous le devinons, en découvrant qu’elle est remariée ; — non ce n’est pas la surprise de cette double inconstance qui doit faire éclater le rire du parterre au paradis ; c’est la vue de ce comédien bizarre, mélancolique et bouffon, c’est sa mimique froidement extravagante et la cacophonie méditée de sa diction ; ses airs confidentiels et malicieux alternés avec ses fureurs bourrues, ses allures de jovialité rageuse et de despotisme comique ; c’est tout cela qui doit chatouiller la bonne humeur du public, et tout cela, on le voit assez, n’est que la personne de M. Coquelin cadet. C’est contre une réplique de Mlle Lloyd que doit rebondir de temps en temps son monologue, comme le saut périlleux d’un clown paraîtrait se redoubler en touchant un édredon. Mlle Lloyd, en effet, n’a rien à dire que d’insignifiant, et le dit de la façon la plus molle : sans cette double inconstance, quels époux mal assortis ! Le monologue de la nouvelle espèce, pour paraître sur cette illustre scène avec le nom de comédie, ne pouvait, en vérité, moins se déguiser. Nous ne sommes pas pédans ; nous trouvons que d’habitude, en ce temps-ci, messieurs les sociétaires ne donnent que trop dans le sérieux ; s’ils se rappelaient plus souvent que le théâtre-Français est voisin du Palais-Royal, et que la Comédie n’est pas l’Académie, nous irions volontiers rire chez eux ; mais puisqu’ils daignent si rarement admettre sur leurs planches, sinon dans leurs cartons, une pièce en un acte, nous ne pouvons nous tenir de leur déclarer qu’un monologue de ce genre est un régal médiocre à nous offrir ; qu’ils ont tort de perdre leur temps et le nôtre à de telles fadaises, quand ils ont laissé le Trésor de M. Coppée