Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 57.djvu/953

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

est certes le spécimen le plus frappant de la manière dont M. le président du conseil, ou le garde des sceaux, se font les restaurateurs de l’idée de gouvernement dans les affaires religieuses aussi bien que dans les affaires de la magistrature. C’est l’histoire de tous les jours.

Il y a une commission du budget qui, pour le plus grand bien de la paix religieuse, a entrepris de réformer les dotations ecclésiastiques, d’effacer d’un trait de plume les bourses des séminaires, de supprimer ou de diminuer les traitemens ou indemnités des évêques, des chanoines, des curés et desservans de paroisse. Il y a une autre commission qui, sous l’inspiration de M. Paul Bert, a entrepris sans plus de façon, de sa propre autorité, la révision du concordat. Une fois dans cette voie, nos réformateurs, on le pense bien, vont loin et vite sans s’inquiéter des dangereuses suites de leurs violences. Il y a quelques jours, M. le président du conseil et M. le garde des sceaux ont comparu devant les deux commissions. M. Jules Ferry, M. Martin-Feuillée, ont essayé de défendre les traitemens ecclésiastiques ; ils ont dépendu aussi l’intégrité du concordat. Ils ont montré tout ce qu’il y avait de puéril ou de périlleux dans ce système de vexations faisant la guerre à des chanoines ou à de pauvres desservans, chassant les évêques de leurs maisons sous prétexte de « désaffectation » des édifices de l’état, atteignant sous toutes les formes le clergé dans ses ressources, dans sa sécurité, dans ses moyens de recrutement ; M. le président du conseil et M. le garde des sceaux se sont efforcés de démontrer les avantages du concordat pour l’autorité civile et par suite la nécessité d’en accepter les conditions essentielles.

Fort bien ! un moment le langage ministériel a paru avoir fait une impression assez vive pour que le rapporteur de la révision du concordat, M. Paul Bert, ait été sur le point de donner sa démission. On a hésité. Les deux commissions n’ont pas tardé à reprendre courage. Elles sont revenues à leurs plans, à leurs suppressions de traitemens, à la révision du concordat. Et maintenant, que fera le ministère ? Admettons, si l’on veut, que pour faire honneur à ses déclarations, il maintienne ce qu’il a dit : quelle autorité a-t-il pour ramener une majorité dont il partage au fond les passions et les préjugés ? Comment peut-il remplir ce rôle de gouvernement modérateur qui flatte son orgueil ? Il n’a pas en réalité une autre politique que celle de ses adversaires d’un instant. Ce qu’on veut faire avec brutalité par un vote sommaire du parlement, il le fait lui-même par subterfuge, par des décrets, par des actes administratifs et discrétionnaires. Chaque jour on enregistre des listes nouvelles de curés et de desservans frappés d’une suppression ou d’une suspension de traitement. Le ministère et lui-même engagé par ses actes, par ses opinions dans cette guerre qu’on lui demande de pousser jusqu’au bout. Quand M. Bérenger a récemment interpellé devant le sénat le gouvernement au sujet de la