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c’est que, la valeur totale des immeubles non affectés du domaine ayant été présumée se monter à 41,815,744 francs, et celle des 300,000 hectares propres à être aliénés n’arrivant plus, d’après l’estimation de M. Tirman, qu’à 18 millions, il n’a pas seulement songé à porter à l’avoir de l’administration algérienne la différence entre ces chiffres, c’est-à-dire 23,815,774 francs : la somme n’est pas minime. Ce n’est pas tout. Outre ses immeubles, l’état possède en Algérie des bois et forêts d’une contenance de 785,525 hectares évalués à 68,039,572 francs, et nous avons appris, d’après un rapport présenté, en 1879, par la commission du comité de colonisation, « que les clairières des forêts formeraient des emplacemens excellens à tous les points de vue, et que si la délimitation du domaine forestier réclamée depuis longtemps était menée à bonne fin, elle mettrait de vastes territoires à la disposition du gouvernement[1]. »

Voilà donc, en terres et en argent, des ressources importantes qui sont complètement négligées, sans compter celles non moins considérables que, dans leurs délibérations antérieures, les membres du conseil supérieur avaient eu soin d’indiquer à la sollicitude de l’administration. Nous ne faisons pas seulement allusion au produit que donnera certainement la vente des lots de villages et de fermes, substituée à la concession gratuite ; nous entendons parler de la constitution de la propriété individuelle chez les indigènes, mesure doublement profitable, car elle doit avoir, à la fois, pour effet de faire rentrer l’état dans la possession de beaucoup de terrains indûment attribués à des tribus arabes, et d’ouvrir une large voie à l’acquisition du sol algérien par les Européens. L’attention du gouverneur-général s’est, il est vrai, portée d’elle-même à l’avance sur cette tâche délicate. Il n’a pas hésité à reconnaître qu’entreprise depuis 1873, elle n’avait pas encore donné des résultats proportionnés aux sacrifices qu’elle avait nécessités. En effet, neuf années s’étaient écoulées et, au 30 juin 1881, les titres de propriété n’avaient encore été délivrés que dans 44 douars, comprenant une superficie de 220,070 hectares[2]. C’est pourquoi, en ouvrant la session du conseil supérieur de 1882, M. Tirman avait pris soin d’annoncer à ses collaborateurs qu’une commission spéciale venait d’être chargée d’examiner les modifications que la loi de 1873 était susceptible de recevoir. Ce travail allait être immédiatement soumis au conseil supérieur, et ses membres pouvaient être assurés de l’empressement que mettrait l’administration à chercher, d’accord avec eux, le système le plus simple, qui, « tout en apportant le moins de

  1. Procès-verbaux des séances du conseil supérieur (novembre 1870, p. 321-322).
  2. État de l’Algérie, par M. Tirman, p. 241.