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indépendamment des nombreuses questions de détail qu’on y trouve examinées et presque toujours résolues.

Deux pontificats, ceux de Martin V et d’Eugène IV, occupent toute la première moitié du XVe siècle, et représentent dans Rome ce mélange d’anarchie expirante et d’efforts vers un état meilleur qui caractérise la même période dans toute l’Europe occidentale. Le Pogge, dans son petit livre de Varietale fortunœ, a retracé l’indicible désordre de la ville éternelle au retour d’Avignon. Il a vu les fours où se fabriquait la chaux avec les plus beaux restes des monumens antiques ; la guerre civile avait multiplié le brigandage ; une populace affamée habitait, avec son bétail, dans les palais des Césars. Martin V fit de sérieux efforts pour mettre fin à cette lamentable anarchie ; il organisa une police, il assainit la ville, et soutint les ruines trop menaçantes. Rome, après avoir eu pendant le moyen âge des artistes tels que les Cosmati, dont elle conserve jusqu’à nos jours de beaux ouvrages, des cloîtres, des autels, des tombeaux, ne possédait plus depuis 1300 ni peintres ni architectes ni sculpteurs. Martin V appela donc de Florence et de Sienne des maîtres déjà renommés. De même que Giotto et Simon Memmi avaient été conviés pour travailler à l’ancienne basilique de Saint-Pierre, on vit Gentile da Fabriano, le grand Masaccio, — auquel toutefois M. Henri de Laborde refuse avec raison, sans nul doute, les fresques de la chapelle de Sainte-Catherine à Saint-Clément, — on vit plus tard, sous Eugène IV, Donatello, fra Angelico, et notre Jean Fouquet appelés à Rome. Artistes et antiquaires commençaient du reste à étudier avec une attention consciente les monumens romains : Brunelleschi et Donatello venaient, en 1420, pour relever les mesures du Panthéon. En un temps où le respect de l’antiquité classique était encore loin de triompher dans Rome, le Panthéon fut le premier monument païen d’origine qui attira les regards et occupa les esprits. Eugène IV le débarrassa des constructions parasites qui l’entouraient. On découvrit alors cette conque de porphyre et ces deux lions de basalte qui, jusqu’à Sixte-Quint, demeurèrent sur la place en avant du portique, et qui ornent aujourd’hui la fontaine de l’Acqua Felice, près des thermes de Dioclétien. On trouva aussi des fragmens de bronze qui firent penser à une grande scène ayant décoré le fronton. — Si les récits des fouilles du XVe siècle nous intéressent encore aujourd’hui, que l’on pense à l’impression d’étonnement presque superstitieux que ces découvertes inattendues produisaient alors.

Déjà un sentiment d’émulation animait Eugène IV, lorsque, ayant vu à Florence la célèbre porte de Ghiberti, il voulut en avoir une aussi magnifique pour Saint-Pierre : ce fut l’origine de l’intéressante porte de bronze d’Antonio Filarete, qui subsiste à l’entrée