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qu’il fallait « aboutir. » La difficulté est toujours d’aboutir pour une politique sans prévoyance qui va au hasard des passions du jour, qui ne sait ni comment elle sortira des embarras qu’elle se crée elle-même, ni comment elle viendra à bout des problèmes de toute sorte qu’elle soulève, — qu’elle a la fatuité de ne pas redouter.

Qu’en est-il en effet, qu’en sera-t-il de tous ces projets mis successivement ou simultanément en discussion depuis quelque temps ? Ils sont certes nombreux, ils touchent même aux plus sérieuses questions d’organisation publique, à la justice et à la législation municipale, à l’armée et aux finances, au droit pénal et aux intérêts économiques. On a bien raison de le dire, nos députés ne redoutent pas les problèmes ; cela se voit bien, et s’il suffisait de tout remuer d’une main légère pour mériter le titre de chambre réformatrice que ces intrépides représentai du suffrage universel se donnent modestement à eux-mêmes, le programme serait rempli. Malheureusement, de tous ces projets livrés à d’incessans débats, les uns sont de vulgaires et équivoques expédiens de parti, les autres sont des concessions dangereuses, une sorte de rançon payée à des idées fausses presque tous sont des œuvres confuses, incohérentes, médiocrement conçues et mal préparées. Ils traînent dans les commissions, ils ne s’améliorent guère par la discussion publique, et le plus souvent tout finit par l’ajournement, — cette dernière ressource des législateurs dans l’embarras. C’est vraisemblablement le sort réservé à un certain nombre de ces projets dont le parlement est aujourd’hui occupé, qu’il n’aura même pas le temps de voter avant les vacances, désormais prochaines.

Qu’on observe bien ceci : il y a pour le moment devant la chambre sept ou huit lois qui ont la prétention d’être des réformes, qui sont, dans tous les cas, également difficiles, également délicates. — On fait une loi sur les récidivistes, et c’est assurément une bonne pensée de vouloir délivrer autant que possible le monde des honnêtes gens de cette lèpre des malfaiteurs incorrigibles, des condamnés impénitens, en les transportant ou en les « reléguant » dans une colonie lointaine, à la Nouvelle-Calédonie. Rien de mieux au premier abord. Seulement, à mesure que la discussion s’est développée, on en est venu à reconnaître que tout n’était pas facile, qu’il y avait des écueils à éviter. On s’est aperçu que le budget de cette transportation allait être une assez lourde charge, que, d’un autre côté, il fallait se garder de laisser introduire dans une combinaison de prévoyance sociale une faculté d’interprétation arbitraire qui pourrait en certains momens devenir une arme redoutable, et, malgré tout, la question est peut-être encore loin d’être définitivement tranchée. — On a voulu faire une loi sur les syndicats professionnels, et ici apparaît un danger d’une autre nature qui n’a pas échappé aux esprits prévoyans. Le secret de la loi, c’est qu’on a tenu à montrer de la bonne volonté ; on a voulu, comme on