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cier de 1882 ; l’esprit d’entreprise est complètement paralysé ; donc plus d’affaires et plus de spéculation ; l’effet a disparu avec la cause. Il ne reste plus en présence à la Bourse, en dehors des intermédiaires auxquels le jeu des petites primes permet de faire encore un peu de bruit, que quelques banquiers qui ont organisé systématiquement la baisse depuis le commencement de l’année, et d’autres banquiers qui seraient assurément disposés à traquer ce découvert et à organiser de leur côté la hausse, s’ils ne se voyaient obligés de constater combien cette intervention serait inopportune dans les circonstances actuelles.

Les baissiers ont encore, en effet, pour eux les événemens. Non-seulement l’affaire du Tonkin est arrivée à point pour décourager chez leurs adversaires toute velléité d’action, mais, au moment même où l’opinion commençait à se familiariser avec l’idée de cette expédition lointaine et des conséquences qu’elle pouvait entraîner, un nouvel incident vient de se produire qui a détruit en un jour les résultats péniblement obtenus par huit ou dix jours de travail des gens bien intentionnés qui avaient entrepris de relever un peu le marché pour la prochaine liquidation. Peu à peu, avec une patience vraiment remarquable, ces gens avaient enrayé d’abord les progrès de la baisse sur les fonds publics, puis maintenu pendant quelques bourses l’équilibre des cours, enfin obtenu pendant la dernière semaine, à raison de 0 fr. 05 ou 0 fr. 10 par jour, une reprise d’environ un demi-point sur le 5 pour 100. Déjà ce fonds atteignait 108.65 et les optimistes osaient prédire qu’on le verrait à 109 francs au moment de la liquidation. C’est alors que sont tombées sur le marché les premières nouvelles de l’apparition du choléra dans le Delta du Nil.

L’effet a été foudroyant. Nos rentes ont reculé de 30 à 40 centimes, l’Obligation unifiée d’Egypte de 18 fr., la Banque ottomane de 10 fr., l’Action de Suez de 120 francs. Cette chute violente a causé quelque étonnement ; on ne supposait pas que la simple appréhension d’un événement, redoutable il est vrai, mais contre lequel la lutte est possible, pût produire sur les deux puissans marchés de Londres et de Paris un tel effarement. L’explication cependant de ce phénomène est dans la situation même que nous avons dépeinte plus haut. A la première alerte, le travail timide des haussiers s’est arrêté, et les baissiers n’ont eu qu’à lancer quelques ordres pour produire dans le vide une véritable panique. Quant au public, il n’a pas eu plus de part dans cette réaction soudaine qu’il n’en avait eu dans les velléités récentes d’amélioration. Il n’a pas plus vendu qu’il n’achetait. Il s’abstient et tout se passe en dehors de son action.

La baisse de l’Unifiée a révélé que, depuis longtemps, on soutenait à Londres et ici des positions peu solides à la hausse sur ce titre, que la spéculation se plaisait à assimiler aux consolidés anglais. On a craint