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Bourbon était finie. Peut-on vraiment lui reprocher de n’avoir pas entrepris, au nom de la France, une expédition dans l’extrême Orient, lorsque le fils du roi de Cochinchine était venu, quelque temps auparavant, avec l’évêque, son gouverneur, solliciter des secours contre l’usurpateur qui avait détrôné son père ? Alors même qu’on eût envoyé les trois frégates et les douze cents soldats qu’il demandait, croit-on que les circonstances permettaient, dans ces années 1789 et 1790, d’étendre l’influence française dans ces lointaines régions[1] ? Sans cesse exposé aux attaques d’une assemblée qui, de jour en jour, par la création des comités, concentrait en elle non-seulement la politique, mais l’administration, Montmorin croyait devoir se borner à soutenir les liaisons établies et à sauver au dehors la considération de la France. Il n’était ni un aventureux, ni un homme de génie ; toutes les négociations traitées personnellement par lui avant la double politique du roi, consistent dans un traité de commerce avec la ville de Hambourg, dans le renouvellement des traités de paix avec la régence d’Alger, dans la confirmation de quelques arrangemens dans l’Inde, dans une convention commerciale avec la petite république de Mulhouse et dans deux conventions avec l’Angleterre à la suite des événemens de Hollande dont nous avons parlé.

Nos relations extérieures allaient devenir inquiétantes à mesure que la révolution se développait, l’influence de. l’étranger se faisait déjà reconnaître dans les agitations occasionnées par la crise des subsistances. La Fayette avait dénoncé ces intrigues. Une lettre de Dorcet, l’ambassadeur d’Angleterre, à Montmorin, pour désavouer toute inculpation de ce genre et ses instances pour que cette lettre fût communiquée à l’assemblée contrairement aux formes diplomatiques, tout cela en disait assez. Depuis que la France avait aidé à la délivrance de l’Amérique, l’Angleterre avait repris contre nous ses vieilles haines ; elle avait souri cependant à notre révolution, s’imaginant alors que nous courions après l’imitation de ce qu’elle avait fait au XVIIe siècle. Quoi qu’il en fût, elle n’avait pas voulu profiter du complot de Brest et elle l’avait révélé à Montmorin. On s’attachait des deux côtés à éviter tout sujet de rupture ; l’assemblée applaudit la lettre de Dorcet et la consigna au procès-verbal. (Séances des 22 et 23 juillet.) Une ère nouvelle allait s’ouvrir dans l’étonnante histoire que nous étudions : les journées des 5 et 6 octobre avaient lieu.

Déterminé par La Fayette, avec qui il avait eu une longue conférence pendant que les colonnes parisiennes marchaient sur Versailles, Montmorin avait conseillé au roi de venir habiter Paris. On n’avait pas encore perdu l’illusion de croire à la durée de

  1. Bachaumont, t. XXXIV ; Flassan, Histoire gênerais de la diplomatie française.