Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 58.djvu/313

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comment il résume son impression : « Quels puffistes que ces anciens Grecs ! Aujourd’hui encore, la moitié des gens qui forment en Europe la classe éclairée s’occupe des vieilles affaires de ces états lilliputiens, des rixes de leurs tribus, des querelles de leurs villages, de la géographie de leurs ruisseaux et de leurs collines beaucoup plus qu’elle ne s’occupe l’histoire contemporaine des Amériques Nord et Sud, de la politique des États-Unis, des grands fleuves et des hautes, montagnes du Nouveau-Monde ! » Cette réflexion fait le pendant de celle que loi avaient précédemment inspirée les Pyramides. Le voyageur, dans sa ferveur utilitaire, cherche toujours les rapports de cause à effet ; il refuse son admiration à de gigantesques amas de pierres qui ne servent à rien, et il éprouve quelque peine à s’expliquer comment le petit coin de terre qui a porté Athènes et Sparte occupe une si grande place dans la pensée humaine ! — Disons tout de suite que la correspondance de Cobden ne s’en tient pas à ces boutades d’austérité qui échappent à l’économiste ; elle abonde en descriptions et en récits, où ne se montre que le touriste avec son esprit naturel et sa franche gaîté. Cobden ne voyage pas pour le spleen, et le tour de ses lettres annonce que sa santé, un moment ébranlée, n’a point tardé à se rétablir. Il n’a eu besoin que de changer d’air en remplaçant l’agitation des affaires par le mouvement rapide d’une excursion ensoleillée. — Au mois d’avril 1837, il retourna en Angleterre, ayant fait provision de forces et avec un stock d’observations et de documens sur les contrées de l’Orient. Après avoir visité les États-Unis, il venait de parcourir le littoral de la Méditerranée ; après New-York, il avait vu Constantinople. Quels contrastes ! Cobden retira le plus grand profit de ces deux voyages successivement entrepris, à court intervalle ; il y puisa, avec un surcroît d’expérience, la plupart des opinions qu’il professa dans sa carrière d’économiste et d’homme politique. Dès sa jeunesse, promptement mûrie par le travail, il avait vu de ses yeux les régions les plus intéressantes des deux mondes, la démocratie américaine en plein épanouissement et le despotisme oriental dans sa lente décrépitude. Tout cela avait porté coup et fait jaillir la lumière dans l’esprit du jeune manufacturier de Sabdon, qui se trouva dès lors complètement préparé à aborder la vie publique.


II

Aux élections générales de 1837, Cobden se porta candidat à Stockport. Il lui manqua une centaine de voix pour être élu. Cet échec n’était point fait pour le décourager. Il avait été combattu par toutes