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on travailla pendant deux années consécutives, et à la fin de 1875 la maison était ce que nous la voyons aujourd’hui, rue Lecourbe n° 223, solide, spacieuse, appropriée à sa destination, accrue dans des proportions secourables et pouvant abriter deux cent dix enfans. Que ne peut-elle être doublée, triplée ! ce ne seraient pas les postulans qui manqueraient ; ce n’est pas le dévoûment des frères hospitaliers qui serait en défaillance,

Seuls, les frères de Saint-Jean-de-Dieu ne seraient peut-être point parvenus à un tel résultat ; ils ont trouvé des secours et des encouragemens, que l’on ne saurait trop louer, dans le conseil d’administration, — exclusivement laïque, — qui surveille leur œuvre et qui est actuellement composé du vicomte de Mortemart, du comte Le Pelletier d’Aulnay et du comte Paul de Thury. Pour ne point porter le scapulaire et la robe de laine, ces hommes de bon vouloir, représentant l’ensemble des bienfaiteurs de l’asile, n’en sont pas moins associés de cœur et d’action au travail de cette foi que rien ne lasse, de cette espérance que rien n’atténue, de cette charité que rien ne décourage. L’un d’eux me disait : « J’ai six enfans d’intelligence et de santé irréprochables ; j’ai cru que le meilleur moyen d’en remercier Dieu était de consacrer une partie de mon temps et quelque argent au soulagement d’enfans pauvres et infirmes ; de cette façon, ma gratitude n’est pas stérile. » La pensée est haute et fait comprendre pourquoi nulle déception ne peut fatiguer ces pourvoyeurs de bonnes œuvres. Celle dont je parle est exceptionnelle : elle est connue, elle est appréciée de la population parisienne, à laquelle on enseigne cependant à vilipender les hommes de paix et de consolation. Nulle injure n’est adressée aux frères lorsqu’ils sortent dans les rues, et quand ils accompagnent lentement les petits infirmes, qu’ils conduisent à la promenade, on les salue. Le conseil municipal, maître et distributeur des finances de la ville et que l’on ne peut guère accuser de favoriser le développement des ordres religieux, n’a point cru pouvoir supprimer la subvention de 1,500 francs que reçoit l’asile de la rue Lecourbe. La question a été discutée, et, à ce sujet, un mot a été dit que l’on doit répéter : « Nul laïque, ni pour or ni pour argent, le consentirait à faire un métier pareil. » Cela est strictement vrai ; pour payer un tel labeur, il faut une monnaie qui n’est point de ce monde. On pourra juger du respect que les frères de Jean-de-Dieu inspirent dans le quartier témoin de leur dévoûment par un fait que je regrette de n’avoir pas connu plus tôt, car je me serais empressé de le mettre en lumière. Pendant la commune, l’approvisionnement de l’asile offrit des difficultés presque insurmontables ; « les bienfaiteurs » n’étaient point à Paris, la quête était plus que restreinte au