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économiques d’un abaissement réciproque des droits de douane et ils réussirent facilement à le persuader. Il fut convenu d’abord que Cobden irait à Paris comme un simple touriste, qu’il y ferait une petite propagande personnelle et qu’il étudierait le terrain en y semant de son mieux sa graine de free-trade. Mais, en réfléchissant, on fut amené à reconnaître que cette promenade de touriste n’aboutirait à aucun résultat et qu’il valait mieux obtenir pour Cobden, sinon une mission officielle, du moins une sorte de mission officieuse qui lui permît de conférer utilement, mais sans rien engager, avec le gouvernement français. M. Gladstone fit agréer la combinaison par lord Palmerston et par lord John Russell, ministre des affaires étrangères. Ceux-ci n’attachaient sans doute pas une grande importance à cette mission confidentielle, et ils ne comptaient guère sur le succès. Lorsque Cobden alla prendre leurs instructions avant son départ pour Paris, il les trouva en conseil de cabinet, occupés à rédiger une dépêche aussi désagréable que possible à l’adresse du gouvernement français au sujet d’un incident qui s’était produit au Maroc. On ne se doute pas des services que cet empire africain a rendus à lord Palmerston. Lorsque son sac à querelles commençait à se vider, le noble lord regardait du côté du Maroc et il y trouvait tout de suite une affaire soit avec la France, soit avec l’Espagne.

Cobden arriva à Paris, le 18 octobre 1859. Il vit lord Cowley, ambassadeur d’Angleterre, le 23 ; il dîna, le 25, avec M. Michel Chevalier, chez M. Rouher, ministre du commerce et, le 27, il eut sa première audience de l’empereur, à Saint-Cloud. Il était nécessaire de se hâter et de tenir la mission secrète ; le projet pouvait ne pas réussir, et la publicité aurait donné à l’échec le caractère d’une rupture, inconvénient qui eût été fort grave à ce moment et qu’il fallait éviter à tout prix.

Le ministre du commerce, M. Rouher, était très disposé à opérer de larges réformes dans les tarifs ; il accueillit donc les ouvertures qui lui étaient faites pour la conclusion d’un traité, puisque c’était le seul moyen pratique de réaliser ces réformes. Mais il fallait avant tout conquérir l’assentiment de l’empereur, et Cobden sut y déployer l’habileté, la puissance de persuasion dont il était doué au plus haut degré. a l’audience du 27 octobre, l’entretien eut pourpoint de départ l’état de malaise dans lequel se trouvaient les relations entre les deux pays et la nécessité politique de rétablir la bonne harmonie. Naturellement Cobden conclut à l’alliance commerciale, qu’il recommanda comme un remède infaillible. On devient et l’on reste amis lorsque l’on fait ensemble beaucoup d’affaires. — C’est vrai, dit l’empereur, mais la majorité des chambres est très opposée au libre échange, et le gouvernement a pris l’engagement de ne point