Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 58.djvu/374

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tous ceux qui, après 325, ont été inhumés dans leurs obscures galeries, ne les admissent pas ou s’en souciassent peu ? Qui pourrait le dire et sur quel fondement ?

Tels ou tels ont prétendu tirer des catacombes romaines, de leurs peintures aux trois quarts effacées, de leurs épitaphes en général si brèves et si souvent tronquées, des argumens en forme en faveur des dogmes et des cérémonies liturgiques du catholicisme actuel. M. Roller semble essayer indirectement la même opération en faveur du protestantisme et chercher dans les mêmes souterrains les patriarches de la réforme. Des deux côtés on paraît avoir trouvé ce qu’on cherchait. C’est l’heureuse chance de la foi véritable. Selon moi, les deux entreprises se valent. Les catacombes de Rome sont le grand et saint dortoir d’une immense multitude de chrétiens des quatre premiers siècles. De la plupart on ne sait ni les pensées intimes ni les noms. La foi qui fit battre le cœur de tous ceux qui y ont reposé portait apparemment en semence le catholicisme ultra-montain et les variétés des confessions protestantes, puisqu’ils en sont sortis, mais il faut avoir une double vue pour les distinguer dans ces germes obscurs.

L’église du XIIIe siècle ne ressemble pas sans doute à celle du Ier sur bien des points. Elle en vient cependant, comme la royauté de saint Louis vient de celle de Clovis, à travers mille courans entrecroisés d’influences diverses et mille insensibles accidens. De même, les nuances ou écoles à peine chrétiennes du protestantisme contemporain sont les produits de la réforme de Luther, qui certainement ne les prévoyait pas et ne les eût pas avouées. Quelle petite besogne de démontrer la distance du point de départ au point d’arrivée ! Les uns disent déviations ou contradictions, les autres successions et développemens. L’intéressant serait de noter, de saisir au passage et de déterminer avec précision les influences variées qui ont agi dans ces transformations progressives et amené peu à peu les prétendues nouveautés.

Pour ce qui regarde les catacombes romaines, elles sont le commun berceau de toutes les sectes chrétiennes. Nulle d’entre elles, ce semble, n’a le droit de les considérer comme sa chose, son bien, son lieu d’origine exclusif et d’en déposséder les autres sous prétexte d’infidélité de conscience et d’altération de croyances et de rites. Quelle secte, sur ce point, est sans péché ?

La critique générale que j’adresserai donc tout d’abord à l’ouvrage de M. Roller, c’est la couleur protestante qu’il a parfois. C’est un livre de bonne foi assurément, mais c’est un livre de foi plus dogmatique et plus militante que je n’eusse voulu, et qui porte à chacun de ses chapitres la trace de préoccupations qui ne sont pas