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d’interprètes, voit là une peinture symbolique. Le poisson suivant lui, c’est l’emblème du Christ, comme l’indique son nom mystique ΙΧΘΥΣ, Jésus-Christ Fils de Dieu sauveur, lequel figure à la fois la chair et le sang et remplace le pain et le vin.— Pourquoi donc alors ces sept corbeilles remplies de pains ? — « Le compositeur, dit M. Roller, a voulu exprimer une scène purement symbolique, » soit la manducation de l’eucharistie, soit le repas céleste des glorifiés, soit les deux choses en même temps, car « la cène, comme le baptême, mène à la résurrection. » Encore ici je n’en verrais pas si long, mais simplement un épisode de l’histoire évangélique conservé, fixé et illustré par le pinceau, la représentation du dernier repas des sept disciples raconté par saint Jean.

Il y a aussi dans le cimetière de Priscilla une fresque, aujourd’hui à demi effacée, au sujet de laquelle on s’est mis en bien grands frais d’admiration et d’interprétation[1]. Le tableau montre une jeune femme assise, la tête voilée, le visage découvert, les bras nus sortant d’une tunique à manches courtes, portant dans son giron et soutenant légèrement comme une mère attentive, un tout petit enfant nu dont une main s’agite et se joue autour du sein maternel encore couvert, et dont le visage à demi tourné vers sa mère semble solliciter l’allaitement. En face, un personnage debout, tête nue, l’épaule et le bras droit découverts, tenant de la main gauche un volumen et montrant de l’autre main une étoile. La composition, surtout le groupe de la mère et de l’enfant, est pleine d’aisance et de grâce, mais, si on en peut juger par le dessin qu’on nous donne, absolument dépourvue de mysticité. C’est un travail du second siècle, et, selon M. de Rossi, de la première moitié. M. Roller hésite à le faire remonter aussi haut. A première vue, ce tableau a l’air d’une ébauche de Sainte Famille, mais sans Joseph ni le Baptiste. On ne sait quel est ce personnage qui tient un volume et montre une étoile. « C’est, dit M. Roller, la prophétie, — dans la personne d’Isaïe peut-être, — présidant à la naissance du désiré des nations. » « On a remarqué, non sans raison, ajoute-t-il, que la scène représentée dans notre fresque est symbolique et non historique. Mais nous ne voyons pas pourquoi ce fait a été exploité par la controverse, ni ce que le point de vue catholique peut y gagner. Car évidemment ce qui forme le centre de la composition, ce n’est pas Marie, c’est Jésus ; nous oserions dire, c’est l’étoile ; un rapport prophétique, l’Ancien-Testament réalisé dans le Nouveau ; voilà certes un thème assez biblique, traité, si l’on veut, d’une façon qui n’est pas protestante, mais qu’un protestant peut approuver. » On n’accordera pas

  1. Planche XV, fig. 3.