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autre personnage, la tête également laurée, se tenant le menton, paraît se retirer avec dépit : ce dernier serait, dit-on, le sacrificateur qui s’en va, les fidèles refusant de sacrifier. L’interprétation de ce tableau, attribué au milieu du IIIe" siècle, est ingénieuse et vraisemblable. Mais pourquoi ici l’histoire et partout ailleurs le symbole ? Pourquoi la fresque des trois jeunes Babyloniens sur les flammes, que M. Roller a réunie sur la même planche à cette scène[1], n’aurait-elle pas le même caractère de page d’histoire ? Je considère toutes les scènes peintes sur les parois ou sculptées sur les sarcophages des catacombes, comme représentant des souvenirs, fixant et rappelant des faits de l’Ancien et du Nouveau-Testament, et ne portant avec elles d’autre enseignement que celui qu’elles ont dans les Écritures mêmes d’où elles sont tirées. A mon avis, l’école des symbolistes a prêté aux artistes qui ont composé ces scènes plus d’esprit et de profondeur théologique qu’ils n’en avaient et des intentions dogmatiques auxquelles la plupart du temps ils furent étrangers.

Il va de soi que le système historique, que je crois infiniment plus vrai et plus solide que le système symbolique pour l’interprétation des monumens figurés des catacombes, ne va pas jusqu’à me faire regarder les images peintes ou sculptées de Jésus, de Moïse, de la vierge Marie, de saint Pierre et de saint Paul comme des portraits. L’idée seule d’un portrait historique de Moïse fait sourire. Celle de portraits historiques de Jésus, de Marie, de Pierre ou de Paul n’est pas plus sérieuse. L’art païen, non sans tâtonnemens sans doute, avait trouvé des types pour représenter les grandes divinités de l’Olympe. Il ne paraît pas que les artistes des catacombes eussent fixé les types de Jésus et des deux grands apôtres. Le plus souvent, du reste, et dans les fresques les plus anciennes, Jésus est représenté symboliquement. Il y a, en effet, quelques figures symboliques dans les catacombes ; mais ce sont en général des figures isolées, des signes gravés à côté des épitaphes et destinés à attester la foi des fidèles : par exemple, l’ancre, antique emblème de l’espérance, le paon et le phénix, symboles d’indestructibilité en usage déjà parmi les païens ; d’autres, empruntés aux Évangiles et à l’Apocalypse, le livre symbolique par excellence, l’étoile, la colombe, le rameau d’olivier, le bon pasteur, la brebis, l’A et l’Ω entre les branches de l’X du monogramme, le poisson, figure du Christ quand il est seul et de l’eucharistie quand il supporte le pain croisé. D’autres signes gravés

  1. Planche XXVII, tome Ier, page, 161. Le père Garrucci considère même cette scène de persécution, non comme la représentation d’un épisode historique, mais comme l’image abstraite de la persécution. Il y voit en effet deux juges et appelle l’un Néron et l’autre Maximin.