Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 58.djvu/393

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

romaine s’entremit auprès du pouvoir et obtînt de faire revenir de Sardaigne le corps d’un de ses prédécesseurs exilé et mort dans cette île. Le succès du christianisme serait un impassible prodige si l’on ne supposait les longs intervalles de tolérance effective et de paix couverte que l’histoire atteste.

Les actes des martyrs témoignent de la facilité avec laquelle se conférait le baptême, et nulle part il n’est fait mention d’une défense d’en dévoiler les rites. Comment, si le silence était recommandé au sujet du baptême et de l’eucharistie, Cyprien en eût-il parlé dans ses écrits avec tant de liberté et de précision ? Tertullien nous parle quelque part des embarras d’une femme chrétienne qui a épousé un païen. Il faut qu’elle lui cache ses sorties matinales, les réunions auxquelles elle assiste et ce qui s’y passe ; il faut qu’avec lui elle surveille ses gestes et ses démarches, et, par là, elle s’expose forcément aux plus fâcheux soupçons. On nous raconte aussi que, sous Valérien, vers 258, un jeune diacre nommé Tarsicius, portant aux frères les espèces eucharistiques, fut entouré, sommé de montrer ce qu’il cachait sous son manteau et aima mieux mourir que de livrer aux profanations de la foule « les membres divins. » On ne voit pas comment ces faits déposent en faveur de la discipline du secret. Dans les mariages mixtes, il arrivait de deux choses l’une : ou que la femme chrétienne, par de douces et insinuantes confidences, gagnât peu à peu un mari indifférent, — la tradition rapporte que, de la sorte, sainte Cécile convertit son mari et son beau-frère, — ou que, si elle trouvait en son mari un cœur fermé et un esprit railleur, elle usât de prudence pour garder sa conscience libre et pratiquer son culte. L’autre fait prouve que, dans les momens de crise, les précautions redoublaient et que la distribution du pain consacré, enfermé dans une boîte, se faisait clandestinement.

Il n’y a donc pas lieu d’expliquer le symbolisme des catacombes, chose douteuse et, en tout cas, fort grossie, par la discipline du secret, institution fort contestable. On peut remarquer d’ailleurs que les textes qu’on allègue en faveur de cette règle prétendue sont d’un temps où la religion nouvelle, non-seulement était licite, mais semblait tourner en institution d’état.


IV.

Les catacombes de Rome, lieu de paix par excellence, ont, comme on sait, servi de champ de bataille à la critique, surtout depuis que M. de Rossi en a renouvelé l’étude par ses impérissables découvertes. Les partis-pris et les passions de deux grandes fractions