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moins quand l’appareil était soumis à une ventilation suffisante. Le travail excessif refroidit le corps, parce qu’il use trop rapidement les matériaux disponibles. M. Bouchardat cite, à cet égard, deux exemples propres à frapper les esprits. « Des chiens, dit-il, qui ont été emportés pendant une longue journée par la passion de la chasse, que cherchent-ils tout d’abord en rentrant au logis ? Un foyer à la flamme pétillante qui les garantisse de toutes les chances de refroidissement. Et ces pauvres enfans surmenés, dans les houillères de la Belgique, par un travail excessif pour leurs forces, en rentrant au logis, avant de satisfaire leur appétit, on les voyait s’étendre brisés près d’un feu ardent. »

En somme, les moyens de réfrigération dont la nature dispose sont assez variés ; ils se complètent et se substituent l’un à l’autre, selon les circonstances ; mais il faut éviter les changemens trop brusques qui surprennent l’organisme en plein travail d’accommodation ; il faut éviter les à-coups. « L’organisme, dit M. Pettenkofer, est un serviteur prudent et fidèle, qui se tire d’affaire, lui et son maître, si on lui laisse le temps de se débrouiller et qu’on se garde de le bousculer. »

Le corps, exposé tout nu au contact de l’air, n’est pas tout à fait sans défense contre la chaleur et le froid ; il peut, jusqu’à un certain point, régler lui-même la dépense de calorique par l’intervention des nerfs vasomoteurs qui vont aux capillaires de la peau. Le froid provoque le rétrécissement des petits vaisseaux, et, en restreignant la circulation périphérique, diminue le rayonnement et la transpiration, de façon à protéger pendant quelque temps les organes internes[1]. Au contraire, la chaleur dilate les vaisseaux, le sang afflue à la surface, le calorique est en quelque sorte chassé au dehors. Sous l’action du froid, nous voyons la peau de la main pâlir ; la chaleur produit l’effet inverse ; « il y a là une sorte de réflexe de protection[2]. » Malheureusement ce régulateur automatique dont le jeu est commandé par les nerfs se détraque trop facilement, et ses ressorts se relâchent trop vite. Nous pouvons sans doute le fortifier par l’exercice, nous endurcir, habituer, le corps à supporter les intempéries, et il est des peuples et des individus qui arrivent, sous ce rapport, à des résultats prodigieux. Mais l’endurcissement a des limites, et il n’est point à la portée de tout le monde. Les vrais régulateurs de la chaleur du corps sont les vêtemens.

  1. Les frissons qu’on éprouve pendant un accès de fièvre intermittente, quand les capillaires de la peau se contractent sous l’influence du poison de la malaria, n’empêchent pas la température de s’élever beaucoup à l’intérieur du corps.
  2. Physiologie des muscles et des nerfs, par M. Charles Richet. Paris 1882, p. 762.