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REVUE DRAMATIQUE

Comédie-Française : Mademoiselle du Vigean, comédie en 1 acte, en vers, de Mlle Simone Arnaud.

« Un amant et une maîtresse qui se quittent ne sont pas, sans doute, un sujet de tragédie. » Ainsi l’a décrété Voltaire, et Mlle Simone Arnaud s’est peut-être souvenue de ce décret lorsqu’elle a fait imprimer sous ce titre : Mademoiselle du Vigean, ce mot : comédie. Mais Voltaire, en l’espèce, n’est-il pas un peu léger ? « Un amant, une maîtresse qui se quittent,.. » c’est bientôt écrit : encore faut-il savoir quel amant, quelle maîtresse et comment ils se quittent. La qualité de l’action suit la qualité des caractères et des sentimens. Marinette et Gros-René, qui rompent la paille, ne sont point un sujet de tragédie, non plus que d’épopée : il me paraît cependant que la séparation d’Énée et de Didon fournit à Virgile un assez beau chant de poème épique, et je ne puis oublier Bérénice. Aussi bien c’est à propos de Bérénice que Voltaire s’avise de cet arrêt : or, le malin Racine avait répondu par avance : « Ce n’est point une nécessité qu’il y ait du sang et des morts dans une tragédie ; il suffit que l’action en soit grande, que les acteurs en soient héroïques, que les passions y soient excitées et que tout s’y ressente de cette tristesse majestueuse qui fait tout le plaisir de la tragédie. » Mlle Simone Arnaud, assurément, connaît la préface de Bérénice ; elle a fait tous ses efforts pour que l’action de Mademoiselle du Vigean fût grande, pour que les acteurs en fussent héroïques, pour que les passions y fussent excitées ; ces efforts pouvaient réussir : si l’auteur, après coup, n’a réclamé pour son ouvrage que cette qualité de comédie, c’est apparemment pour en diminuer l’importance, et par une modestie plus touchante qu’elle n’est soucieuse du mot propre. Comme tout le public, l’autre soir, nous avons applaudi Mademoiselle du Vigean, et nous sommes heureux de donner à ce début les éloges qu’il mérite ; aucune arrière-pensée ne se serait mêlée à notre faveur, aucune réserve ne se glisserait sous notre plume, si M. Perrin nous