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sociales : à la protection et à la moralisation de l’enfance. Les pans de bois seront abattus, les légères cloisons s’en iront dans le tombereau des gravatiers ; la pierre de taille, la brique, le fer, seront les matériaux des constructions nouvelles qui pourront s’étendre sur place, car l’enclos est vaste où l’on peut les élever. La maison deviendra ce qu’elle doit être, ce qu’elle sera, un refuge où mille, deux mille petits vagabonds trouveront des classes élémentaires et une école professionnelle qui enseignera le respect de soi-même, le travail et la bienfaisance.

Est-ce un rêve? Non pas ; l’orphelinat compte aujourd’hui dix-sept années d’existence, c’est à peine s’il vient de naître, et ses preuves ne sont plus à faire; par les services qu’il a déjà rendus il est facile de prévoir les services qu’il est appelé à rendre. Des œuvres auxquelles on ne peut contester le caractère d’utilité publique et qui ont été également inspirées par le désir d’arracher des enfans à la dépravation et à la mendicité ont eu des commencemens plus modestes. L’Institut des sourds-muets essaie ses premiers gestes dans la chambre d’une maison sise rue des Moulins, n° 14, et le premier élève de la future institution des Jeunes Aveugles, François Lesueur, est un enfant de seize ans qui mendie au porche de Saint-Germain-des-Prés. Aujourd’hui l’abbé de l’Épée et Valentin Haüy ont des statues dressées au seuil des établissemens dont leur initiative a provoqué la création. Qui oserait dire que l’œuvre de l’abbé Roussel n’est pas égale à celle de l’abbé de l’Épée, à celle de Valentin Haüy? Infirmité physique, infirmité morale, c’est tout un, lorsque l’enfant en est atteint et perdu. Celui qui donne la parole aux muets, la vue aux aveugles, la probité aux vicieux, accomplit un de ces prodiges de bienfaisance dont l’humanité garde bonne gratitude et que la charité a le devoir d’aider de toute sa puissance.


Les œuvres qu’il me reste à faire connaître sont des œuvres d’hiver, c’est-à-dire qu’elles n’atteignent toute leur expansion que pendant les jours où le froid, l’humidité, l’obscurité plus longue, augmentent la misère et l’intensité des maladies. Alors, elles redoublent d’efforts et apparaissent dans le développement complet de leur action. J’attendrai donc ce moment pour continuer et terminer ces études.


MAXIME DU CAMP.