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portant la date de 1460, nous montrent Borso à l’âge de quarante-sept ans. Quant aux deux médailles anonymes qui ne portent aucune date, mais dont l’une (la plus grande) est probablement aussi de 1460 puisqu’il en existe une répétition du temps avec cette date, elles n’ajoutent rien de significatif aux indications fournies par les médailles signées. Il en faut dire autant des deux beaux dessins contenus dans le recueil Vallardi, au musée du Louvre, dessins qui représentent Borso encore jeune[1]. Entre le profil de bronze et les figures peintes sur les murs du palais de Schifanoia, la ressemblance est frappante. Seulement, dans les fresques, Borso est plus âgé ; il peut avoir de cinquante-quatre à cinquante-huit ans. Son visage s’est épaissi et son double menton s’est encore accentué. Le bonnet descend assez bas sur le front et est orné à gauche d’un bijou. De longs cheveux retombent jusque sur la nuque. Les yeux sont intelligens et dénotent une bonhomie mêlée de finesse. Quant aux lèvres, elles sont singulièrement minces. Ce qu’il y a de moins bien, c’est la bouche, trop large. De plus, entre le nez et la lèvre, la distance est trop grande. Si le type de Borso est loin d’être irréprochable, l’expression du moins n’a rien que de sympathique.

Quelque intéressantes que soient les fresques dont le premier duc de Ferrare est le héros, il en est quelques-unes de plus attrayantes encore dans la zone supérieure de plusieurs compartimens, surtout dans celle des mois de mars et d’avril.

Que de grâce et d’originalité, en effet, a la composition qui représente des femmes brodant à la main ou lissant au métier! Toutes s’occupent consciencieusement. Malgré le calme de leurs visages, on sent en elles l’ardeur au travail. Elles apportent à leur tâche d’autant plus d’attention, qu’autour d’elles se tiennent, en assez grand nombre, des spectatrices venues pour les voir à l’ouvrage ou pour admirer les broderies et les étoffes sortant de leurs mains. Grande est la différence entre l’aspect des ouvrières et celui des visiteuses. Chez les premières, qu’elles soient jeunes ou qu’elles aient déjà atteint la maturité, l’humilité de la condition se trahit non-seulement par la simplicité de l’ajustement et de la coiffure, mais par la vulgarité des traits. Chez les secondes, au contraire, l’aisance des

  1. On peut voir aussi l’effigie de Borso, toujours coiffé d’un béret, sur le ducat d’or qu’il fit frapper après être devenu duc de Modène et de Reggio. C’est la première monnaie ferraraise où l’on ait représenté un seigneur de la maison d’Este. Au revers apparaît le Christ sortant de son sépulcre et donnant sa bénédiction (M. Chabouillet, Notice sur un ducat d’or inédit de Borso, marquis d’Este, Paris, 1874.) — Un manuscrit des Tavole astronomiche de Bianchini, à la bibliothèque de Ferrare, contient une miniature où l’on voit Borso présentant l’auteur à l’empereur Frédéric III ; c’est là également un précieux portrait, très authentique.