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attitudes, la recherche dans l’arrangement des cheveux, le luxe des vêtemens, la distinction des types dénotent une noble extraction. Considérez, par exemple, les trois figures à gauche. Combien a d’élégance la courbe du cou de celle qui se présente de profil perdu ! Quelle exquise pureté dans le visage des autres ! Ce n’est évidemment pas pour cette classe de la société que furent promulguées les ordonnances de 1453, de 1456 et de 1460 qui interdisaient les draps rouges ou violets, les étoffes de soie, d’or et d’argent. Ne nous en plaignons pas. Quelle jolie réunion de costumes nous vaut cette indulgence ! Que de charme l’élégance de la mise ajoute à ces figures représentées dans toute l’expansion de la jeunesse ! Ce qui contribue singulièrement au plaisir que l’on éprouve à regarder cette scène à demi familière, à demi solennelle, c’est la fraîcheur du coloris. Il a conservé sa douce et pénétrante harmonie. Tout y caresse le regard comme dans un parterre où un habile jardinier aurait rassemblé une grande variété de fleurs se faisant valoir les unes les autres.

Un fait cependant doit être noté. La hauteur donnée aux fronts est un peu exagérée. C’est que la mode d’alors exigeait qu’on les découvrît le plus possible. On se relevait les cheveux jusqu’à la racine; parfois même on n’hésitait pas à en raser une partie. La trace de ces habitudes se retrouve notamment dans le consciencieux portrait de Battista Sforza, femme de Frédéric duc d’Urbin, portrait exécuté par Piero della Francesca et conservé au musée des Offices, dans les médailles de Nicolas III d’Este, de Lionel, de Léon-Baptiste Alberti.

Les sujets représentés aux côtés de Vénus dans le compartiment voisin ont également conservé le charme de leur couleur originelle et sont peut-être pi as attachans encore. Ils représentent des groupes d’amoureux s’embrassant ou causant sous le regard de leurs amis, parmi les arbustes aux feuillages légers qui marient leurs nuances printanières à celles que présentent les étoffes des vêtemens. Plusieurs jeunes filles tiennent des instrumens de musique. Le groupe à droite, où un jeune homme pose ses deux mains sur les épaules de deux musiciennes est séduisant entre tous par la candeur, par la placidité, par la satisfaction intime que reflètent les visages.

Non loin de ces compositions qui semblent avoir été peintes pour le plaisir des yeux, il en est une dont les détails sont de nature à piquer la curiosité. Elle nous fait assister à des fêtes qui étaient fort en honneur à Ferrare, sous la famille d’Este, et qui passionnaient le peuple aussi bien que la cour. On y voit une course de femmes, une course d’hommes, une course d’ânes et de chevaux