Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 58.djvu/679

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

connaissance. Sur sa vie et son honneur, il nia avoir jamais « recherché, induict ni sollicité quelqu’un à tuer le duc, ni de paroles, ni d’argent, ni par promesses, ni par soy, ni par autruy, directement, ni indirectement. » Si Poltrot avait reçu quelque argent, c’était à titre d’espion ; l’amiral se souvenait bien que Poltrot, en lui faisant un rapport, s’était laissé un jour aller à dire qu’il serait aisé de tuer le duc de Guise. L’amiral n’avait point fait grande attention à ce propos, l’estimant « chose de tout frivole. » Plusieurs gentilshommes estimant que Coligny avait tort de confesser ces points si librement, il répliqua que, s’il était jamais confronté avec Poltrot et était forcé d’en dire plus qu’il ne déclarait volontairement, il donnerait occasion de penser qu’il n’avait pas dit toute la vérité. Il envoya sa déclaration écrite le même jour à la reine par un trompette, avec une lettre où il demandait à être confronté avec l’assassin. La confrontation, on le sait, n’eut jamais lieu : la postérité a complètement absous la mémoire de Coligny, et toute sa vie proteste contre l’accusation qui avait été portée contre lui ; mais les mœurs du XVIe siècle étaient telles qu’on ne peut trop s’étonner si les Lorrains et leurs partisans poursuivirent toujours l’amiral de leur injurieux soupçon.

La mort du duc de Guise rendait la paix plus facile : Catherine de Médicis la désirait ardemment, et Condé était impatient de sortir de captivité. Le prince et le connétable réglèrent les principaux articles de l’accord. Le connétable ne voulant pas consentir au rétablissement pur et simple de l’édit de janvier, Condé consentit à signer un nouvel édit, dit « de pacification, » qui accordait l’exercice du culte réformé à la noblesse et qui laissait à la partie du peuple et de la bourgeoisie, appartenant à la nouvelle religion, la liberté de ce culte dans une ville par chaque bailliage et sénéchaussée. On a dit et répété maintes fois que Coligny avait été laissé complètement en dehors de la négociation qui aboutit à l’édit d’Amboise. L’amiral était, avec sa cavalerie, dans la plaine de Caen pendant la négociation ; mais bien certainement Condé lui envoya les articles préparés de concert avec le connétable. Coligny écrivait, en effet, au rhingrave : « Assurez-vous qu’il ne tiendra point à moi que nous n’ayons une paix. Mais si on pense la faire avec les articles que j’ay vus, l’on ne peut espérer que plus graves troubles en ce royaume que jamais ; car c’est trop grand pitié que de limiter ainsy certains lieux pour servir à Dieu, comme s’il ne vouloit estre servy en tous endroits. » (16 mars 1563.)

Voyons cependant le récit de De Bèze : il montre l’amiral arrivant à Orléans, le 23 mars, trouvant l’édit dressé, signé et scellé en son absence depuis cinq jours ; il le peint exposant le lendemain au prince, en son conseil, tous les inconvéniens du nouvel édit :