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en distance, en raison de la chaleur croissante du climat, toutes les variétés de productions exotiques qui enrichissent nos plus lointaines et nos plus riches colonies. L’Algérie semblait appelée à devenir pour nous ce que les Indes sont pour les Anglais ou Java pour les Hollandais. C’était la période où l’on ne désespérait pas d’acclimater en Algérie le café et le coton, où l’on croyait possible d’y introduire sur une grande échelle la culture de la canne à sucre, voire même des épices.

Le mirage était trop brillant, il a fallu en rabattre. Aujourd’hui, plus d’inconnu et plus d’illusions possibles. Nous savons qu’excepté dans quelques oasis productives de dattes, qui ne seront jamais l’objet d’un commerce bien actif, nous ne rencontrerons que des produits similaires à ceux du Midi de la France. Nous n’en sommes plus à nous figurer qu’on y peut découvrir de vastes espaces vacans ne connaissant pas de propriétaires, ou faciles à acquérir. Toutes les terres y sont, sinon occupées, du moins possédées à titre particulier ou collectif, mal cultivées, il est vrai, mais cependant cultivées ou livrées à la pâture d’innombrables troupeaux errant d’une région à une autre. Au lieu d’une population insouciante et molle, comme celle qui accueillit les Espagnols dans l’Amérique du Sud, ou disséminée et inculte comme les tribus sauvages qui parcouraient les solitudes de l’Amérique du Nord avant l’arrivée des Anglais, nous avons affaire en Algérie à une race nombreuse, fière, aguerrie, récalcitrante aux usages modernes, civilisée toutefois de très vieille date, éminemment spiritualiste, et puisant dans son indomptable foi aux préceptes du Koran assez d’orgueil pour mépriser toutes les autres religions, assez de force pour accepter tous les sacrifices, et prête, si elle croit entendre la voix de son prophète, à braver intrépidement la mort, qui n’est pour elle que le passage aux joies du paradis promis par Mahomet. Dans le chiure de 423,881 Européens fixés en Algérie, nos compatriotes ne figurent que pour 233,937, c’est-à-dire un peu plus de la moitié. La question était donc parfaitement posée par M. Thomson, lorsqu’au nom de la commission des vingt-deux membres de la chambre des députés, il déclarait dans son rapport, déposé le 12 juillet 1881, que « la question principale était d’activer le plus que possible en Algérie le développement de la population française[1]. »

Reste à savoir si les moyens conseillés par cette commission et

  1. Rapport, fait au nom de la commission chargée d’examiner le projet de loi ayant pour objet de mettre à la disposition de M. le ministre de l’intérieur et des cultes une somme de 50 millions de francs, pour être employée en acquisitions de terres et en travaux de colonisation en Algérie, par M. Thomson, député. (Page 10.)