Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 58.djvu/860

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je vous prie, monsieur le président, d’observer à Montmorin qu’il est convenu dans une de ses réponses qu’en juillet et août derniers, les sollicitations auprès des puissances étrangères étaient très vives. Montmorin, dans son dernier compte-rendu, a bercé la nation par de fausses espérances de paix rejetées sur la prétendue exagération des journaux et des sociétés populaires. La mauvaise humeur des puissances ennemies jette encore les fondemens d’un système de trahison que la cour a ouvertement suivi depuis cette époque et que les papiers trouvés dans le secrétaire du roi ont complètement dévoilé. »

Ces papiers, que l’on connaît aujourd’hui, absolvent Montmorin en prouvant sa bonne foi; il n’était pour rien dans les intrigues secrètes des Tuileries; aussi sa réponse à la question posée par Gensonné est-elle concluante : « Je dirai d’abord qu’à l’époque du mois de juillet, les sollicitations des princes français devinrent vives, et que la position dans laquelle se trouvait le roi paraissait faire accueillir ces sollicitations avec quelque succès : après l’acceptation de la constitution, j’ai dû croire qu’il allait en résulter un nouvel ordre de choses. Nos agens, qui avaient été repoussés jusqu’alors, furent écoutés comme ils l’avaient été précédemment. Ils annonçaient les dispositions des cours où ils étaient envoyés comme pacifiques; ils peignaient même les cours comme soulagées de n’avoir plus à se livrer à une guerre. L’on ne saurait taxer de pusillanimité les dernières dépêches que j’ai écrites à Vienne. Elles étaient de nature à forcer cette cour à s’expliquer. J’ai dit ce qui existait alors. Je pourrais alléguer une preuve bien positive, c’est qu’aujourd’hui même que la guerre existe depuis le mois d’avril, à peine les préparatifs des puissances étrangères sont-ils achevés. »

L’interrogatoire terminé, Lasource, chargé de dresser le rapport au nom des comités, propose que le marquis de Montmorin, le gouverneur de Fontainebleau, soit mandé sur-le-champ afin que les deux cousins n’aient pas le temps de se concerter. « Il y a encore un Montmorin, vieillard de quatre-vingt-sept ans, qui habite Le Havre, » reprend ironiquement l’ancien ministre des affaires étrangères. Lasource baissa la tête. A la séance du soir, 23 août, le marquis de Montmorin est, en effet, introduit; on avait trouvé dans son appartement au château, après le pillage du 10 août, le manuscrit du compte-rendu d’une conversation entre cinq ou six députés dont les noms étaient inconnus ; on avait de plus saisi les quittances de diverses sommes touchées de la liste civile pour des dépenses relatives aux faisanderies. On l’interrogea sur ces deux points; ses explications furent catégoriques et devaient écarter tous