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public, pour le plus grand bien de cette richesse mobilière que nos mœurs financières poursuivent et développent avec une si persévérante énergie.


II.

Un homme est en possession de certains capitaux : il sait que tous ceux qui vivent du commerce et de l’industrie sont en quête d’argent comptant pour développer leurs affaires, en préparer de nouvelles, liquider le plus promptement les anciennes, et paient par avance avec un certain intérêt les sommes qui leur sont prêtées ou promises. Il trouve que c’est là un très bon emploi de son temps et de sa fortune; il se fait banquier. Mais, à ce métier, le bénéfice est minime et la concurrence très grande. De plus, il importe de ne pas commettre d’erreur et d’être bien sûr de ceux à qui l’on fait des avances, car, en cas de non-paiement de leur part au jour du remboursement, on perd ce que l’on a prêté, ou, si l’on a soi-même négocié sa signature en garantissant seulement le papier de l’emprunteur, il faut, à l’échéance, payer pour lui ; et tant pis si l’événement vient vous surprendre à un moment inopportun ! Richesse et bon crédit, habileté et renom, voilà les premiers mérites de quiconque entre dans la banque.

Les petites localités où chacun connaît ce que possède son voisin ne présentent pas de difficultés dans le choix des prêts à faire ou des cliens à aider; mais le nombre de ceux-ci est très restreint, et il y a peu de bénéfices à espérer. Depuis que la facilité des communications a multiplié les opérations de place à place, le cercle, il est vrai, s’est élargi; en revanche, la concurrence a augmenté, et, comme son arme principale consiste dans le bas prix des crédits à ouvrir, le travail est devenu à la fois moins facile et moins rémunérateur.

Bien heureux dans cette lutte sont les fils de banquiers déjà connus pour leur richesse, honorés pour leur probité et pourvus de la science acquise du prix des signatures ! Si l’hérédité produit de bons résultats, si le mérite des pères procure certains droits et certains profits à leurs enfans, assurément c’est en banque que s’exerce cette vertu de la tradition et ce privilège de la naissance. Le lieu où la maison est établie importe au moins autant ; les premières places, c’est-à-dire les grandes villes et principalement les capitales, sont seules susceptibles de procurer aux banquiers une clientèle assez nombreuse, des opérations assez multipliées pour qu’ils aient des chances sérieuses de bénéfices en raison de la quantité et de la qualité des affaires, malgré le faible prix de chacune.