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Quoi qu’on puisse penser de la concurrence que ces sociétés font aux banquiers proprement dits, de la lutte qui paraît se poursuivre entre eux, au détriment des uns et des autres, nous pensons que c’est le résultat d’une mauvaise appréciation du but à poursuivre et qu’il n’existe pas, au fond, de motif d’antagonisme réel. Chacun a sa sphère d’action particulière, ses opérations propres et sa clientèle.


III.

Les banques par actions se divisent en deux espèces fort différentes l’une de l’autre : les sociétés financières et les sociétés de crédit. Les premières appliquent les ressources spéciales de leurs participans et de leurs correspondans particuliers aux émissions d’affaires nouvelles, aux emprunts publics d’états ou de villes, aux souscriptions de tout genre, aux spéculations sur les affaires en cours. Elles constituent entre leurs membres, administrateurs ou associés, des syndicats, comme l’on dit, c’est-à-dire des groupemens de forces momentanés, ayant pour but, par la levée des titres, de protéger telle valeur contre les spéculateurs à la baisse qui lui sont hostiles avec plus ou moins de raison. Le type par excellence de cette société est chez nous la Banque de Paris et des Pays-Bas, dont nous retracions ici même, en 1872, les premières opérations et le développement très significatif, et à qui nous prédisions un grand succès. Grâce aux efforts incessans de ses administrateurs anciens et nouveaux, son rôle n’a cessé de s’accroître en France et à l’étranger.

Les sociétés financières comptent parmi ceux qui les dirigent plusieurs banquiers de premier ordre, et l’on conçoit l’utilité de cette collaboration. Il n’y a, en effet, aucune contradiction pour eux à s’intéresser eux-mêmes dans les affaires que négocient ces sociétés, pour qui leur participation est un gage de sécurité et de succès. Les sociétés financières conquièrent leur rang par l’honorabilité de l’initiative et de la gestion. Dans l’année qui vient de s’écouler, celles-là seules ont succombé qui étaient mal patronnées et mal conduites ; leurs propres fautes ont entraîné leur ruine. Il est certain que beaucoup d’entre elles avaient obéi à la contagion générale, à la fièvre du jeu qui s’était emparée de toutes les classes de la société, en bas comme en haut ; que les créations industrielles les moins sérieuses trouvaient des adhérens empressés ; et que souvent la hausse de tant de valeurs fictives n’avait d’autre raison que cette hausse elle-même. Bien des mensonges se cachaient sous cette apparence séduisante.