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l’intérêt qu’elle paie aux déposans, toute société de crédit bien conduite trouve à suffire à ses dépenses et à s’assurer un revenu pour ses propres actionnaires, c’est-à-dire pour le capital social qui est la garantie des dépôts eux-mêmes, et le premier instrument de toute opération.

On voit donc quelle est la règle absolue de la gestion des sociétés de crédit. Elles ne vivent principalement que de la confiance qu’elles inspirent, elles dépendent absolument du public, qui leur apporte pour ainsi dire le pain de chaque jour. Rien dans leur conduite ne doit donc alarmer le client, car s’il prenait peur, il viendrait, en réclamant ses dépôts, enlever à la société son moyen principal d’action, et peut-être tous les établissemens ne seraient-ils pas en mesure de les rendre sur l’heure. Il faut en effet distinguer entre les dépôts remboursables à vue et ceux à terme plus ou moins long. L’idéal, pour une société de crédit, est d’avoir presque toujours en valeurs disponibles en caisse ou en un portefeuille, composé surtout de billets escomptables à la Banque de France, à peu près la totalité des dépôts à vue et des comptes-courans créditeurs ; quelques sociétés se font gloire d’en agir ainsi; quant aux dépôts à long terme, on peut s’en servir pour des opérations de quelque durée, avances sur titres, achats de valeurs, mais, dans les temps difficiles, ces dépôts, représentés par des bons de la société, ne se renouvellent pas; il faut donc, crainte de remboursemens inopportuns, limiter l’émission de ces bons eux-mêmes et n’avoir pour contre-partie que des valeurs négociables à tout moment et ne présentant elles-mêmes aucun alea. Encore est-il de règle de limiter cette émission à un chiffre en rapport avec le capital social.

Les sociétés de crédit présentent ainsi à la fois des difficultés de gestion que n’éprouvent pas les sociétés financières et donnent normalement moins de bénéfices. Aussi nombre de banquiers dédaignent-ils de s’y associer et de s’engager dans des entreprises qui dépendent trop du public et présentent des alea sans compensation suffisante. Il est vrai qu’il n’est pas défendu aux sociétés de crédit de participer aux opérations que se réservent plus spécialement les sociétés financières, telles que les émissions d’actions, les souscriptions d’emprunts d’états et de villes, le placement des obligations des grandes compagnies industrielles. Elles sont souvent même sollicitées de le faire en raison de leur nombreuse clientèle, des succursales multiples qu’elles peuvent avoir, et, comme on dit, des « guichets » qu’elles ouvrent sur tant de points. Ces émissions qu’elles patronnent de leur crédit propre leur procurent des commissions importantes et, si elles y participent pour leur compte, il en résulte des bénéfices qui apportent un contingent utile à leurs dividendes. Mais