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Si nous comparons notre situation à celle de l’Angleterre, quelle différence entre le montant des dépôts, et quelle différence entre la proportion des ressources disponibles pour en opérer le remboursement ! Dans les statistiques financières publiées à la fin de l’année dernière sur le mouvement des banques en France et en Angleterre, on trouvait des renseignemens très instructifs à cet égard. Sans parler de la Banque royale d’Angleterre, ni des banques d’Ecosse, ni de celles d’Irlande, ni des banques coloniales, etc., il existait à cette date, en Angleterre et dans le pays de Galles, cent dix-sept banques de dépôt dont le capital versé était de 1 milliard 175 millions, avec des réserves de 500 millions ; et dans quatre-vingt-quatorze d’entre elles, les dépôts et comptes courans dépassaient 6 milliards, soit cinq fois plus que le chiffre fourni par l’ensemble de toutes nos banques de dépôt, y compris la Banque de France, laquelle ne donne aucun intérêt aux déposans.

Nous avons donc un grand terrain à parcourir avant d’arriver au même résultat, et ce n’est pas la concurrence entre les établissemens de crédit qui nous en éloigne. Non-seulement, en effet, chacun d’eux a pour se développer un large espace, mais les gens avisés trouvent bon de s’adresser à plusieurs et, selon leurs besoins particuliers, partagent leurs faveurs, c’est-à-dire leur argent et leurs titres. Il serait désirable que cette habitude se propageât, que les banques d’abord, et leurs cliens ensuite, en comprissent l’utilité : chacun y trouverait son compte, et le bien général en serait la conséquence. Ce n’est pas, en effet, à la prospérité des sociétés financières ou des sociétés de crédit qu’il faut songer principalement, mais au développement de la richesse mobilière lui-même, cette victoire de la démocratie moderne, cette forme de propriété si merveilleusement appropriée à notre état social. Tout ce qui la favorise mérite des encouragemens, tout ce qui peut lui nuire doit être blâmé. L’extension et la solidité des sociétés de crédit exercent à cet égard une influence considérable, et les revers qui en ont frappé quelques-unes dans ces derniers mois semblent déjà avoir un peu ébranlé la faveur dont la propriété mobilière jouissait auprès de nos populations. Il convient donc de porter remède au mal le plus promptement possible.


V.

D’où vient en définitive ce brusque arrêt de notre prospérité financière, et cette crise des affaires qui contraste avec l’activité fébrile qui les multipliait, il y a quelques années, au-delà de toute prudence? N’y a-t-il pas là l’indice d’un de ces changemens dans